Ultra avant d'être joueur, le jeune Aiglon peut rendre de fiers services à son équipe adorée. Avec des qualités et des défauts qui n'appartiennent qu'à lui. Portrait d'un joueur... différent
« Calant de Vilafranca, Souta d'un caroubié, Faioun la contradansa, Em'un sarjan fourié. » Cette chanson traditionnelle du comté de Nice, Alexy Bosetti, qui la connaît « par coeur», fut à deux doigts de la fredonner dans les salons de Clairefontaine où les Bleuets préparaient alors le Mondial U20 qu'ils allaient remporter quelques semaines plus tard. Mais un accès de pudeur qui ne lui ressemble pourtant pas l'en a soudainement empêché. Avec le Gym, pourtant, dès qu' il entre sur le terrain, il entonne haut et fort l'hymne Nissa la bella. Celui de son club. Celui de sa ville, ou il est né. Avant d'aller toiser, fier et immobile, le kop adverse.
« 0 la mieu bella Nissa, Regina de li flou » ...
Chez Bosetti. tout vous parle de Nice. Son accent. son sourire, sa tchatche, son aplomb. son corps, sa carrière entamée minot à Villefranche, poursuivie au Cavigal de Nice. Toute sa jeune vie. Commençons par le corps. Il nous montre ses incroyables tatouages. On savait qu'Albert Spaggiari, le cerveau du casse du siècle à Nice, habitait son bras droit. Voilà qu'il a depuis peu comme voisin Jacques Médecin, maire de Nice de 1966 à 1990! « Pour les Niçois, ce sont des légendes», commente Bosetti en une visite guidée qui nous conduit vers son cou -« Là . j'ai l'aigle de Nice »- puis vers sa poitrine où l'on croise l'inscription « Nikaia » - Nice, en grec - puis une tête de mort,« l'emblème de nos supporters », sans oublier « 1985 », date de création des Brigades Sud de Nice, justement, qu'il fréquente encore assidûment. Son bras gauche et son dos sont encore vierges. plus pour longtemps. «ça va venir. Le dos, d'abord. Bientôt, j'aurai le visage du christ côté gauche, et celui du diable côté droit. »
« LES TATOUAGES, FAUT QU'IL ARRÊTE !»
Son père adoré est moins fan de ce genre de peintures rupestres : « Il abuse, grince le paternel. Il en a trop. Faut qu'il arrête. Médecin, Spaggiari, tous les truands de Nice !» Son père, Patrick, son «coach» comme il dit, qui l'emmenait jouer là -haut, tout petit, au château, au sommet du vieux Nice, est intarissable sur son drôle de fils dont l'aplomb et le sens de la provoc' assumés sont un charme et une force : « Il ne foutait rien à l'école, il ne pensait qu'au foot. Il était gentil, les profs l'aimaient bien mais il disait déjà que, plus tard, il serait pro ! Il allait à l'école sans ses cahiers, sans son cartable, il n'avait prétendument jamais de devoirs. Il s'est fait virer de partout ! » Pas de la pelouse. « Un jour, il nous a fait planter une tente sur le terrain, raconte le paternel. On a passé la nuit dedans et dès le lendemain marin, à 7 heures, il était debout pour jouer ! » Rude gaillard. Mais doué. Tellement doué que Rolland Chircop, qui l'a vu naître, l'a récupéré vite fait à Villefranche-sur-Mer. Entraîneur des U14 du Cavigal à l'époque, l'ami de la famille a vite reniflé le drôle d'oiseau. « Chez les jeunes,je le voyais faire des choses que les autres ne faisaient pas. Je l'ai fait venir chez nous à neuf ans. Il était déjà hors du commun ! Quand il marquait un but, même contre l'OGC Nice, il faisait chut avec le doigt vers la tribune. Il fallait voir la tête des autres parents. Il leur mettait la rage. La
Promo Circus n'étais pas loin pour le jeune du vieux-Nice ! Ils étaient fous ! » Mettre la rage est un des fondamentaux de Bosetti, y compris dans son jeu comme l'a constaté son ancien sélectionneur chez les Bleuets, Pierre Mankowski: « Il a des réactions très bizarres par moments, dans la vie comme sur le terrain. Il peut te faire la différence sur un truc exceptionnel car il tente des choses impossibles. Les dribbles et les petits ponts font partie de son jeu. Il ne faut surtout pas qu'il change ! » Dribbles, petits ponts, provocations, il s'en nourrit depuis toujours. « Mon passé a conditionné mon rapport au foot et fait ma force sur le terrain. » Encarté depuis tout petit comme son père aux Brigades Sud de Nice, il n'aime rien tant que venir défier les supporters d'en face. Peu de joueurs de L1 ont cette double casquette de joueur et de fan. Evidemment, cela plaît aux aficionados du Gym. « Dans les stades où je vais, je suis beaucoup plus conspué que les autres alors que je suis très aimé à Nice. Mais j'aime ça. On ne peut pas plaire à tout le monde, donc, autant être détesté. Et j'adore l'être! Ça me donne des ailes. »
« FALABRANQUE » ET CHAMBREUR.
Le président du Cavigal, Diego Noto, se souvient de ce « petit gabarit, très vif, très fin et très adroit devant le but ». Il se souvient aussi que lors des derbys contre l'OGCN, « Alexy allait s'accrocher aux grillages quand il avait marqué ». À force d'encaisser des buts du gamin, le voisin et rival l'approche une première fois, dès l'âge de douze ans. « La famille Bosetti nous a fait confiance, se souvient Chircop. On a voulu le protéger, éviter qu'il ne s'enflamme. Finalement, on l'a gardé jusqu'à dix-sept ans. » Il est alors temps pour lui de céder enfin aux avances du Gym, qu'il rejoint en 2009, et de passer de l'autre côté du grillage. Noto encore: « C'est vraiment une grande fierté. Il est tellement spontané, même s'il est un peu "falabranque". Il n'a qu'une parole.» Et un caractère. Son père y revient : « On ne peut pas le changer. Il est comme il est. Chambreur, spontané. C'est peut-être grâce à ça qu'il en est arrivé là . C'est sa force. » Une certitude en ses moyens qui le rend extrêmement réaliste, témoin sa dizaine de buts en Gambardella 2012. « Sa confiance en lui est totale, analyse Chircop. Devant le but, il ne doute jamais. Pour lui, c'est du 100%. » La mission de ses entraîneurs passés et futurs fut et reste donc de le préserver de lui-même. Chircop toujours : « Il ne faut jamais lui dire que c'est bien, sinon, il s'enflamme. Il est encore jeune. À vingt ans, difficile de rester serein. Mais on est là pour le driver quand il fait quelques écarts. » Et l'anecdote, une de plus, fuse : « Je crois qu'il avait quatorze ans. Un jour, à l'entraînement, j'ai dit à la cantonade: "Ça dort, je n'ai pas d'attaque:" Vexé, Alexy est venu me voir et m'a dit : "Alors, Rolland, il paraît que t'as pas d'attaquants ? Je vais te montrer. " Il en a planté entre 15 et 18 avant de venir me revoir. "Alors, tu l'as trouvé, ton attaquant?" Il chambre. Mais il se sent encore redevable, aussi. C'est ça qui est beau. »
LE JEU DE LA PROVOC'
De fait, quand on le voit et qu'on lui parle, on lui donnerait le bon Dieu sans confession. Ses provocations sont un jeu. Une affirmation de soi. Il les assume tranquillement. Il doit juste prendre garde à ne pas dépasser certaines limites comme il le fit récemment à Furiani puisqu'il semble que, là -bas, il ait mimé l'effondrement de la tribune du 5 mai 1992. Une très, très mauvaise idée. Il s'en défend, pas tout à fait convaincant : « J'ai chambré les supporters bastiais, c'est sûr, mais je n'ai jamais eu l'idée d'aller jusque-là . » Et de repartir sur son terrain préféré: « J'adore aller à Bastia car, dans le tunnel, il y a une photo de moi à la lutte avec un Bastiais. » cela plaît à celui qui, quand il ne joue pas, suit toujours l'OGCN avec la Brigade Sud qui lui est si chère. Il lui arrive d'accompagner quelques-uns des siens dans des déplacements en Italie, fans, comme lui, de l'Inter et de la Lazio. Sinon, c'est Nice, Nice, very Nice, so Nice. « À Nice, on a un public très chaud, proche des joueurs car les tribunes sont très près de la pelouse, dit-il. On en joue. On lui a fait une dernière belle année. Ça me fera quelque chose quand on va changer de stade car je n'ai connu que celui-là . Mais il faut bien que le club grandisse. » Et Bosetti rêve d'en être l'un des premiers héros. Lui, le gamin du Cavigal, à qui Puel donna sa chance le 20 mai 2012 face à l'OL. Lui qui marqua son premier but le 28 novembre 2012 contre Montpellier, en quarts de finale de Coupe de la Ligue. Lui qui a vite fait connaître sa panoplie de joueur futé, façon Pipa Inzaghi. Il aime les carrières à la Maldini ou Totti, les hommes d'un club. Il est tellement niçois qu'il s'y verrait bien longtemps, longtemps... Mais puisque, à Nice, il semble que tout commence et finisse par des chansons, on ne s'étonnera pas des capacités vocales de notre interprète à la lueur de cette révélation : la grand-tante de son père était une cantatrice bien connue, Fréda Betti, et un de ses grands-oncles, Henri Betti, un compositeur émérite. C'est lui qui a composé le célèbre
C'est si bon, repris par Louis Armstrong. Et quand on a demandé à Alexy si tout cela était vrai, sa réponse nous a laissés pantois : « Vous me l'apprenez. »