Clubs "voisins" séparés par la Méditerranée, l'OGC Nice et le SC Bastia entretiennent une rivalité farouche depuis plus de quarante ans. Dans les tribunes comme sur le terrain, du Ray à l'Allianz Riviera en passant par Furiani, la tension s'est parfois transformée en haine.
C'est ce qu'on appelle un match pas comme les autres. Entre l'OGC Nice et le SC Bastia, la rivalité est forte, et ne date pas d'hier, mais passe souvent au second plan face aux historiques derbies (Monaco pour l'un, Ajaccio pour l'autre). «Quand j'étais à Bastia, on parlait quand même plus du derby corse, et à Nice c'était le match face à l'ASM qui était coché en premier, confirme Bruno Valencony, ancien gardien du Sporting (1987-1996) puis du Gym (1996-2005). Ç'a été amplifié parce qu'il y a eu des débordements à quelques reprises.»
Quand la Coupe met le feu
Des débordements ? Oui, et pas qu'un peu. En 1972, les supporters bastiais et niçois envahissent la pelouse du stade du Ray pour en découdre après un début de bagarre générale entre joueurs des deux équipes (et une expulsion de chaque côté). Quatre ans plus tard, une double-confrontation en Coupe de France met le feu sur le terrain comme en tribunes... et en ville, sur fond d'opposition identitaire entre supporters.
Agacés par le comportement violent des Aiglons à l'aller (2-2), les supporters corses usent de l'intimidation (et du jet de projectiles) et poussent certains Azuréens à renoncer à jouer le retour à Furiani. Bastia l'emporte 4-0 mais le résultat sera invalidé par la FFF, qui décide de reprogrammer le match sur terrain neutre, à Rennes. Le Gym décide finalement de déclarer forfait sur recommandation de... Jacques Médecin, maire de la ville ! Le Niçois Jean-Noël Huck, lui, déclare ne plus jamais vouloir jouer en Corse. Quelques heures plus tard, un cocktail molotov réduira son magasin de vêtements en cendres...
C'est tout ? Pas vraiment. Une nouvelle opposition en Coupe de France, au printemps 1992, refait passer cette rivalité corsico-azuréenne du côté obscur. Le Niçois Jean-Philippe Mattio est d'abord légèrement blessé à une oreille par l'explosion d'une bombe agricole. Une fois la qualification de leurs protégés acquise (1-0), les supporters bastiais saccagent leur tribune, avant de poursuivre leurs "célébrations" en ville...
«Il en faut des matches comme ça, un peu électriques»
Sur le terrain, les débats sont régulièrement accrochés, virils. «C'est vrai que c'était chaud... C'est un match du Sud ! Comme les Nice-Marseille ou les Nice-Cannes à une époque, reprend Valencony. Vu l'ambiance qu'il y avait avant le match, ça donnait envie de jouer ! Il y avait du monde, de la couleur, ça chantait... Quand ça dégénère, ça gâche un peut tout, mais il en faut des matches comme ça, un peu électriques. Même si je pense que c'était plus pimenté à une époque que maintenant. Les joueurs ont quand même moins le droit d'être violents aujourd'hui...»
Pourtant, depuis le retour du Sporting en Ligue 1, en 2012, le bilan est de trente-cinq cartons jaunes et cinq rouges en sept rencontres. Belle moyenne. Côté tribunes, depuis plusieurs années, les supporters bastiais sont interdits de déplacement à Nice, et inversement. Ça n'empêche pas les débordements.
Le "Leca-Gate", dernier épisode en date
Mi-octobre 2014, la préfecture des Alpes-Maritimes décide d'aller plus loin, interdisant purement et simplement «le port, la détention et l'utilisation de tout objet ou vêtement à l'effigie de la Corse ou d'un club sportif corse», au sein de l'Allianz Riviera comme à ses alentours. C'en est trop pour le gardien remplaçant du SCB, Jean-Louis Leca, qui, dès le coup de sifflet final, court brandir un drapeau corse au milieu de la pelouse.
Bilan ? Un début de bagarre générale entre joueurs et surtout un envahissement de terrain qui aurait pu avoir des conséquences dramatiques. «Je ne pense pas que ç'avait été une provocation de sa part, tempère Bruno Valencony. Les Corses sont fiers de leur île, de leur identité, de leur drapeau... Si le match avait eu lieu à Saint-Etienne ou à Lille, je pense qu'il aurait sorti le drapeau aussi.» Ce vendredi, Jean-Louis Leca sera sur le terrain dès le coup d'envoi. L'accueil des supporters niçois promet d'être chaleureux... ou pas.
Cédric Chapuis
France-Football