Presse :
Hatem Ben Arfa se confie
JDD, le 30/05/2016 à 14h04
À l’heure de quitter les Bleus, le génial attaquant revient sur des épisodes marquants de sa carrière sinusoïdale.
Dimanche matin, Hatem Ben Arfa a quitté les Bleus, comme six autres réservistes. Le départ de cet artiste hors norme est escorté d'immenses regrets populaires. Dans la lignée de sa renaissance à Nice, HBA a séduit et épaté son monde tout au long des deux semaines de préparation de l'équipe de France à l'Euro 2016. Avant d'éclaircir son avenir (Barcelone, PSG, voire Lyon), le soyeux gaucher de 29 ans s'est raconté, souriant et attachant.
J'ai signé un contrat à 15 ans
"On était dans le bureau du président Aulas, avec Bernard Lacombe et les caméras d'OLTV : c'était la première fois qu'il y avait une mise en scène pour la signature d'un jeune. J'étais très impressionné. J'ai revu les images, je me trouve non seulement intimidé mais ce petit duvet au-dessus de la lèvre… Les chiffres du contrat étaient énormes pour mon âge. Aspirant, je touchais déjà 1.500 €. Mes parents géraient mon argent, mais j'avais une carte de retrait. Je prenais des petites sommes pour aller au cinéma ou au McDo. Le premier truc que je me suis offert, c'est un bon ordinateur portable.
J'ai cru qu'on allait s'écraser
De mon premier contact avec l'équipe de France [octobre 2007], je me rappelle surtout du vol pour les îles Féroé. On avait eu des grosses turbulences. C'était la panique! Certains rigolaient, mais la majorité des joueurs avaient vraiment peur. J'ai pensé qu'on allait s'écraser. Sur le terrain, j'étais entré aux côtés de Thierry Henry. Un grand souvenir car j'ai marqué. Sur le moment, je n'ai pas pensé que j'imitais Zidane, buteur aussi pour ses débuts, mais d'autres l'ont pensé pour moi.
On m'a surnommé Socrate
À l'OM [2008-2010], Lorik Cana m'avait surnommé Socrate mais je ne sais pas pourquoi. À cause de mes lectures philosophiques? En tout cas, je ne regrette pas d'en avoir parlé. J'assume. Le dernier livre que j'ai ouvert, c'est Voyage au bout de la nuit de Céline, prêté par mon conseiller. Je n'ai lu que le début, mais je compte bien le terminer.
J'ai quitté Tignes en hélico
Juste avant l'Euro 2008, un souvenir très douloureux. C'était presque drôle car les joueurs qui restaient au sol nous faisaient coucou de la main, et nous, dans l'hélico, on les voyait devenir tout petits. Il n'y a pas eu de larmes, mais j'ai mis trois mois à tourner la page. Le jour du départ, [Raymond] Domenech nous avait demandé de retourner dans nos chambres. Il devait frapper à la porte des joueurs écartés. L'attente a duré quinze minutes. Ça a été plus dur à vivre que la décision elle-même. Pour rire, j'étais allé toquer chez [Jean-Alain] Boumsong. Il a ouvert et a soufflé : "Oh mon petit, tu m'as fait peur!" Mais c'est moi qui suis parti. On s'est reparlé avec Domenech depuis, je ne lui en veux pas.
J'ai retourné le bureau de mon président
J'étais fou à l'époque. Été 2010 : j'ai l'accord de l'OM pour partir à Newcastle. Tout est acté. Sauf que Mamadou Niang signe à ÂFenerbahçe en toute fin de mercato et le club revient sur sa parole. Je vais dans le bureau du président [Jean-Claude] Dassier, et je lui demande : "Tu avais promis, oui ou non?" Il me répond que non! J'ai retourné le bureau, sans même regarder ce que j'avais cassé. Mais je ne m'en serais jamais pris à lui physiquement. La preuve qu'un petit coup de pression peut fonctionner, j'ai fini par obtenir mon transfert.
Je me suis senti voler
Une des meilleures sensations ressenties sur un terrain, c'est lors de ce but extraordinaire avec Newcastle contre Bolton [en avril 2012], où je suis parti du milieu de terrain. Je ne peux pas expliquer ce qui s'est passé dans mon corps, mais je me suis senti voler. Cette saison, mon slalom contre Saint-Étienne [en septembre 2015] était beau aussi. Techniquement, je rêve encore d'une action où je dribble le gardien, je m'arrête juste sur la ligne et je passe le ballon à un partenaire. Sans provoc, juste le beau geste et le plaisir de faire marquer.
Mon club m'a humilié
En 2014, Newcastle m'a envoyé en réserve pendant deux mois. J'étais convoqué normalement pour l'entraînement, je me changeais dans le vestiaire pro, mais ensuite j'allais bosser avec les jeunes sur un terrain éloigné ; il fallait marcher longtemps. Le club avait aussi inventé une histoire de prise de poids pour me nuire alors que je n'avais pas grossi. Je me suis senti très humilié, mais cet épisode m'a appris la patience. Six mois plus tard, quand mon contrat avec Nice n'a pas été homologué [janvier 2015], j'ai eu la pulsion de tout envoyer valser. Mais ça n'a duré que dix minutes, car je n'avais pas encore accompli tout ce que je voulais. Impossible de partir comme ça.
Je suis tombé amoureux de mon coach
Claude Puel est vraiment quelqu'un d'intègre. Entre nous, il y a eu beaucoup d'échanges, de la compréhension et même… de l'amour! Ce n'est pas tabou, l'amour peut prendre des formes très différentes. Je lui ai envoyé un message jeudi afin de lui souhaiter bonne chance pour l'avenir. J'aimerais qu'il apporte à d'autres autant que ce qu'il m'a donné à moi ainsi qu'au club, car il a créé un véritable ADN à l'OGC Nice.
J'ai refusé une offre monstrueuse
En février, un club chinois m'a fait la proposition la plus élevée que j'ai jamais reçue : 12,5 millions d'euros par an, net d'impôts pendant trois ans. Ça ne m'a pas fait tourner la tête, loin de là , car l'argent n'est pas mon moteur. Par contre, des gens autour de moi se sont étonnés que je ne prenne même pas le temps d'y réfléchir. Admettons que j'aie accepté, est-ce que j'aurais été heureux? Je suis encore loin de l'âge où je pourrais être tenté par ça.
J'ai monté les marches à Cannes
Le Festival de Cannes, c'est la cour de récréation sauf que tu es en costume au milieu des photographes. J'ai reconnu Robert De Niro d'un peu loin. Il y avait sûrement d'autres stars, mais je ne les connaissais pas. J'étais invité à une grosse soirée, mais comme je prenais l'avion tôt le lendemain pour rejoindre Clairefontaine, j'ai décliné. J'ai seulement vu la projection de Loving, que j'ai bien aimé, et j'ai dîné au Bâoli. Je suis rentré à minuit. Sage. Sinon, ma rencontre avec Michel Denisot m'a marqué. C'est un personnage qui a traversé nos vies. Après notre interview, je lui ai demandé ce qui le faisait encore courir. Il m'a Ârépondu : 'Tant que tu es passionné, il est facile de durer.'"
- Retour -