Presse :
Wylan Cyprien, bien agité avant emploi
L'Equipe, le 12/01/2017 à 20h52
Révélation de la saison, le milieu niçois (21 ans) n'a débuté le foot en club qu'à onze ans, après avoir touché à plusieurs sports. Zoom sur une enfance hyper active.
C'est à la suite d'un déménagement que Wylan Cyprien a pris, pour la première fois, ses quartiers dans un club de football, en 2006. «Quand on est venu habiter porte de Bagnolet, il s'est rendu à la détection du Paris FC tout seul, comme un grand, un mercredi, raconte sa mère, Lydia. Quand il est revenu il m'a dit : "Maman, je suis pris, peux-tu payer ma licence ?" C'est ainsi qu'il a commencé, l'année de la sixième. Il avait onze ans.» Et arborait donc, ce jour-là , un profil atypique mais suffisamment attrayant pour attirer le regard des éducateurs présents. «D'habitude, ce sont des joueurs d'autres clubs qui se présentent à la détection, explique Reda Bekhti, son entraîneur au PFC durant deux saisons. J'étais là et, pour un garçon qui n'avait jamais fait de foot, il avait des qualités intéressantes dans les enchaînements, les prises de balle et les tirs. On l'avait pris, alors que les gamins débutent en général plus tôt, à sept ou huit ans.»
Son âge plus avancé ne signifiait pas que son appétence pour le ballon rond s'était manifestée de façon tardive. Depuis longtemps, en effet, il avait pour le foot une passion aussi débordante que son énergie. «Il avait ça dans la sang, poursuit Lydia Cyprien. À cinq ou six ans, quand je lui confisquais le ballon, il en confectionnait un autre avec du papier journal et du scotch ! Il a toujours aimé shooter dans son petit ballon. Tout le temps, au lever, au coucher. Et il m'a cassé plusieurs réveils ! Il était hyper actif, on me disait qu'il devait pratiquer du sport. Mais, comme j'élevais seule mes enfants et qu'il n'y avait pas de papa pour l'amener, ça se limitait à l'école, au multi-sport, où deux profs se battaient pour lui. Quand j'allais le chercher, un me disait : "Dites à Wylan de venir faire du foot avec moi" ; et un autre me lançait : "Dites à Wylan de venir au hand avec moi..."»
Il cumulait tennis, ping-pong, hand, foot...
Quelle que fût la nature du terrain, il semait donc dessus toutes sortes de promesses, y compris dans des disciplines individuelles. En Guadeloupe, dont la famille s'est envolée en 2001, son prof de tennis l'avait encouragé à conserver au creux de sa main la petite balle jaune, une fois leur nouvelle vie implantée en métropole. «Il m'avait dit : "Dès que vous arrivez, inscrivez-le au tennis, car il est très, très bon", raconte Mme Cyprien. Mais il fallait avoir les moyens, et je n'ai pas plus cherché que ça. D'où le multisport, où il cumulait pas mal d'activités, comme le ping-pong.» Ce côté touche-à -tout ne débouche sur rien chez certaines personnes, pour lesquelles se multiplier divise les chances de succès. Mais butiner d'un sport à l'autre n'a pas empêché le milieu de terrain niçois de faire son miel dans le foot.
«Il s'est pris au jeu, se souvient Reda Bekhti. Et il a connu une progression constante. La première année, c'était du foot réduit, à neuf. Il a vraiment passé un cap lors de la deuxième, sur grand terrain. On a vu son éclosion sur le plan tactique et technique. Et puis, c'est un bosseur. Il savait où il avait envie d'aller .» Sur la carte de ses ambitions, sa destination suivante fut Lens, priorisé malgré l'intérêt du Paris-SG. «On l'avait récupéré à treize ans, l'année où il avait passé le concours du pôle Espoirs de Clairefontaine, raconte Marc Westerloppe, à l'origine de sa venue au Racing en 2008. Il ne l'avait pas obtenu et j'avais été surpris, car il avait effectué un très bon concours. Quand j'ai dit à sa maman qu'il s'était montré très actif, elle a précisé qu'il avait toujours été hyper actif, même petit. J'étais rassuré : on était tombé sur un joueur qui ne dormait pas.» Et qui ferait un jour sonner l'heure de la réussite, malgré sa propension, plus jeune, à briser des réveils.
De Lens à Nice, un changement de taille
Le milieu de terrain, qui avait déjà évolué dans l'élite en 2014-2015, a mûri et pris une autre dimension.
Sa seconde saison dans l'élite a presque des airs de première fois. Car on a l'impression de découvrir, plus que de retrouver, Wylan Cyprien, apparu avec Lens en 2014-2015 (*). «Le club venait de monter, c'était compliqué, juge Jean-Philippe Gbamin (actuellement à Mayence), son grand pote des années de formation. Il n'y avait pas non plus les joueurs pour avoir la possession, comme à Nice. Il était plus difficile de se montrer. Là , il existe une bonne entente au sein du milieu : ils se comprennent bien et, si Wylan monte, c'est toujours compensé par un autre.» Ce contexte collectif plus épanouissant va de pair avec une maturité individuelle plus affirmée.
«Wylan est un "1995", il lui fallait aussi un peu de temps pour mûrir, se mettre au niveau, estime Mickaël Delestrez, son éducateur dans le Nord durant quatre ans. Il fallait que ça se déclenche. Et je pense que le fait de côtoyer certains Niçois lui a permis de mettre un peu de discipline dans son jeu, pour exprimer son potentiel. »
Pour sa mère, c'est aussi une question d'environnement, mais elle veut parler de cadre de vie, pas de cadre de jeu. «Il a trouvé un rythme d'existence sain, juge Lydia Cyprien. Il n'y a pas d'amis autour, comme quand il était à Lens. Il est dans sa bulle en haut de la montagne et personne ne vient. Il est seul avec sa compagne, tranquille, et je pense qu'il en avait besoin. Lens, c'est très petit. Il habitait dans le centre-ville, sa maison était accessible et tout le monde venait, la famille éloignée comme les amis. Il a le cœur sur la main et ne dira jamais non. Il y avait toujours du monde. Là , c'est différent car, Nice, ce n'est pas à côté. Il a pris conscience qu'il avait besoin de calme comme de grandir sur le plan professionnel. Il a compris, aussi, qu'il se trouve dans un club qui possède de la valeur et qu'il faut bosser. Au début, il a dû se donner à fond, en se disant sans doute : "Je dois gagner ma place." » Celle qu'il a prise, très vite, à Nice est énorme.
(*) Il a disputé 33 matches de L 1, avec 27 titularisations, pour 2 buts et 2 passes décisives.
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