Presse :
Des supporters de Nice : « On attend que les joueurs soient tous comme Dante ! »
L'Equipe, le 20/04/2018 à 14h34
Pour «L'Équipe», le capitaine brésilien de Nice, particulièrement apprécié pour son implication dans la vie du club, a rencontré trois fans du Gym afin d'évoquer la relation entre joueurs et supporters et les façons de l'améliorer.
Grégory Massabo, Solange Claude et Ugo Nervi n'ont ni le même âge, ni la même façon de vivre un match au stade, mais ils aiment le même club, l'OGC Nice. Nous les avons invités au centre d'entraînement du Gym pour qu'ils rencontrent le capitaine de leur équipe favorite, Dante, très intéressé par les questions liées aux supporters. Pendant plus d'une heure et demie, le défenseur brésilien a évoqué avec eux ce qui les unit et les éloigne.
LES RELATIONS SUPPORTERS-JOUEURS
« Quand on sent qu'il y en a un de déconnecté, notre rôle est de lui dire : “Oh, faut revenir sur terre !”» : Grégory Massabo
- Qu'attendez-vous les uns des autres ?
Dante : Les supporters doivent transmettre l'énergie. Ça ne se passe parfois pas comme on veut sur le terrain, mais on attend toujours qu'ils soient là. On a déjà un adversaire, alors il faut qu'ils soient derrière nous.
Grégory Massabo : On attend que les joueurs soient tous comme Dante ! (S'adressant au capitaine...) Je te remercie d'être comme tu es. Avec le CV que tu as, tu es toujours le premier à aller nous saluer à l'extérieur. Tu dis aux autres de venir, tu es le dernier à partir. Toi, t'as envie. Ce qu'on attend, c'est un comportement : mouiller le maillot. Il ne faut pas leur reprocher de gagner de l'argent mais on peut leur reprocher de ne pas avoir conscience d'être des nantis.
Solange Claude : Je pars du principe que je ne critiquerai jamais un joueur. Je critique celui qui casse du sucre sur le dos du club, jamais celui qui est dans le dur. Ça sert à quoi ? Dante fait parfois des bêtises mais on s'en fout...
G. M. : On met les jeunes dans une telle bulle qu'ils en oublient parfois qu'ils doivent leur statut à l'engouement autour d'eux. Quand on sent qu'il y en a un de déconnecté, notre rôle est de lui dire : "Oh, faut revenir sur terre !" Ça améliore le gars.
D. : C'est vrai qu'il y a parfois plus de distance. Avant, si un jeune n'était pas sensible à l'esprit collectif, il était dehors. Maintenant non, car il va valoir des millions. Au Brésil, je vois des jeunes qui font trois photos avec des gens et soupirent en disant : "Ils me cassent les couilles..."
- Comment avez-vous vécu la gifle à domicile contre Lyon (0-5, le 26 novembre, Nice était alors dix-huitième) ?
Grégory Massabo : Au travail, je me suis fait découper autant qu'eux ! Je n'en ai pas dormi de la nuit.
Solange Claude : Je commence maintenant à dormir après les matches. C'est peut-être la vieillesse...
G. M. : On a vu des joueurs qui étaient à plat mentalement. On a estimé que si certains éléments nous avaient vus débarquer à l'entrainement pour se faire rentrer dedans, ça aurait été plus négatif que positif
Dante : Vous prenez froid pour nous, vous voyagez loin, on doit y être sensibles mais vous ne devez pas mettre la peur dans le groupe, même si certains ont besoin de coups de pression. Dans d'autres clubs que j'ai connus, c'est parti en vrille. Moi, ça ne me pose pas de problème. Mais tu perds des mecs qui commencent à avoir peur pour leur famille. Il faut trouver le mot juste, pas nous dire qu'on est des merdes, simplement pour se soulager de sa haine.
Ugo Nervi : Il y a toujours des moments où on est déçus par certains Joueurs, ce n'est pas pour autant qu'on doit les critiquer. Je n'ai jamais enfoncé un joueur.
G. M. : La situation a seulement dégénéré par le passé quand c'était la perdition la plus totale. Plus personne ne tenait plus personne, il n'y avait pas de dialogue, une incompréhension mutuelle.
S. C. : On est attachés à ce que les joueurs se sentent dans une famille ici. Des anciens reviennent nous voir car c'est leur maison. On n'a pas vocation comme les ultras à aller à l'entraînement quand ça va mal. Nous, on râle dans les tribunes... Mais on a déjà envoyé des courriers à lire aux entraînements.
D. : Les gens sont ouverts ici, on m'accoste plus qu'en Allemagne. On se sent également aimé quand les perfs sont moins bonnes. Même au Brésil, ils ont changé. Avant, c'était le bordel après une grosse défaite, il y avait la police. Maintenant, c'est plus calme, les clubs sont aussi plus structurés.
LE RÔLE DU CLUB
« En Allemagne, on fait plus de choses avec les supporters » : Dante
Dante : Le club organise régulièrement des événements pour renforcer les liens avec le public. J'étais dans un hôpital en janvier, on joue avec les gamins, ce sont de bonnes initiatives. Ça met en valeur le côté humain du joueur, qui n'est plus sur le terrain, où on est des stars.
Solange Claude : On fait depuis quinze ans des entraînements pour les enfants avec des joueurs. On a aussi une fête une fois par an dans un autre style, pour tout le monde, en plus des dédicaces.
Grégory Massabo : Nous, on ne demande pas à côtoyer les joueurs toutes les cinq minutes. Quand les ultras débarquent en masse à l'entraînement, ce n'est pas bon signe, même si on peut aussi venir pour
fêter quelque chose.
Ugo Nervi : J'aime suivre le club sur les réseaux sociaux mais on a plein d'occasions de rencontrer les joueurs. Récemment.je suis allé faire un foot, je les ai croisés alors qu'ils sortaient de l'entraînement. Ils sont accessibles et c'est plaisant.
- Que peut faire le club pour améliorer l'affluence ?
Dante : Les clubs doivent faciliter la vie des supporters. J'ai connu en Allemagne la culture des abonnements : la saison n'est pas commencée et il y a 30 000 abonnés partout. J'ai joué à Monchengladbach (de 2009 à 2012), on n'était pas bien mais grâce aux abonnés, il y avait 50 000 personnes à tous les matches ! En Allemagne, on fait aussi plus de choses avec les supporters :
on avait un grand repas pour discuter lors du stage d'avant saison, des rencontres après chaque match...
Ugo Nervi : Le passage du Ray à l'Allianz (en 2013) a compliqué l'accès au stade. Au début, il y avait pas mal de problèmes de stationnement, on n'est plus en centre-ville et il y a des bouchons. Ça s' améliore et ça va s'améliorer avec le tramway mais le club met aussi en place des animations pour les familles bien avant le match. C'est intéressant car l'arrivée des gens est étalée.
LE PROBLÈME DES DÉPLACEMENTS
« À Monaco, j'ai demandé au stadier s'il pensait que j'aurais les résultats de ma mammographie avant la fin du match » : Solange Claude
Dante : Les interdictions, ça fait chier... Tu gagnes, tu fais la fête avec qui ? En Allemagne,je voyais toujours les supporters visiteurs, ici je vois souvent des parcages vides et c'est dommage. Je regarde toujours si les supporters sont là à l'extérieur car je m'en sers pour mes causeries. Tu dis à tes coéquipiers qu'on joue pour les supporters qui sont là. Tu ne vas pas juste dire : "Si on gagne, on a une prime ... "
Ugo Nervi : Même à domicile, je préfère quand il ya des supporters adverses parce que ça a joute du piment et ça motive tout le monde pour qu'on ne les entende pas. Ça fait partie du foot et ça devrait être normal, comme lors des Euros ou des Coupes du monde où on voit les fans des deux pays.
- Comment êtes-vous touchés par les restrictions de déplacement ?
Grégory Massabo : Les atermoiements de l'administration, c'est hallucinant. Il y a des arrêtés, des contre-arrêtés ... On fait des demandes, on n'a jamais de réponse de la préfecture mais il y a un arrêté trois jours avant le match. Le système est hypocrite, on nous dit : "Oui ... mais non." On n'interdit plus mais c'est 250 supporters autorisés au lieu de 500 ... On se sert du prétexte du terrorisme.
Dante : Il faut que la France se rende compte que les supporters sont très importants pour le spectacle. On vit dans un monde moderne, on ne peut pas mettre des gens qui supportent des clubs différents au même endroit. Il faut aussi tout faire pour avoir de bons horaires. Je ne comprends pas que le meilleur match soit le dimanche à 21 heures. Les gars travaillent le lundi matin !
Solange Claude : Sur l'autoroute, on fait deux mètres et on est arrêtés pour être fouillés car on a une plaque 06. On vous confisque votre parasol de voiture car ça peut être une arme. ll y a deux ans, on est allés à Lyon, un collègue qui travaille pour la ville avait mis ses chaussures de sécurité parce qu'il faisait froid : il a dû entrer pieds nus en tribune sous la pluie !
G. M. : On a même vu un gars handicapé se faire fouiller son fauteuil car ils étaient persuadés que c'était une cachette pour les fumigènes...
S.C. : À Monaco, la fouille au corps pour les femmes est impressionnante. J'ai demandé au stadier s'il pensait que j'aurais les résultats de ma mammographie avant la fin du match... Parfois, on a envie de les insulter. Et ça se voit qu'on n'est pas ultras ! Cette année, je n'y suis pas allée. On n'a plus envie.
D. : Je ne pensais pas que c'était si difficile, même si je m'en doutais un peu... Les instances devraient faire leur autocritique, les joueurs pourraient participer à la réflexion. En Allemagne, ça va parfois au charbon entre supporters mais ils ont trouvé le moyen de sécuriser. Entre Mönchengladbach et Cologne, c'était très chaud mais c'était possible. Quand j'étais à Lille, les supporters venaient à Lens. La situation ne s'est pas améliorée.
Les participants :
DANTE
34 ans
Défenseur et capitaine de l'OGC Nice
SOLANGE CLAUDE
56 ans
Présidente du Club des Supporters.
• Comptable.
• 1er match au stade : « Je devais avoir six ans, un dimanche après-midi, mais je ne m'en souviens pas ! »
GRÉGORY MASSABO
38 ans
Porte-parole de la Populaire Sud
(groupe ultra)
• Agent Air France
• 1er match au stade : Nice-Bordeaux (1-0), le 3 septembre 1988.
UGO NERVI
19 ans
Abonné à l'Allianz Riviera.
• Étudiant en médecine.
• 1er match au stade : Nice-Le Havre (2-1 ap) le 5 janvier 2008.
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