Interviews :
Pierre Lees Melou : « J'adorais ma vie »
L'Equipe, le 29/04/2018 à 02h11
Le milieu de terrain de l'OGC Nice était surveillant dans une école primaire, il y a trois ans. Et rêvait, au mieux, de jouer en National.
Auteur de cinq buts et six passes décisives. il est le deuxième joueur le plus utilisé du Gym, celui qui, à chaque match, avale le plus de kilomètres. « J'ai toujours été endurant, dit-il, mais j'ai péché dans la finition cette saison. je dois être plus efficace, récupérer plus de ballons et me projeter plus vite vers l'avant. » Il lui en a fallu de l'endurance pour sortir des clubs amateurs de Gironde et jouer en L1. Dans la grande salle de presse de l'OGC Nice, jeudi, il nous a parlé de sa vie d'avant et de sa trajectoire peu commune.
- Racontez-nous ce qu'était votre vie, en 2015, avant de signer à Dijon.
J'étais responsable périscolaire dans une école primaire de Lège-Cap-Ferret (en Gironde). Le club. qui jouait en CFA 2, me voulait depuis trois ans, mais il me fallait un boulot pour signer là -bas. Je leur avais xdemandé un truc avec les enfants et ils m'onttrouvé ça. Avant, j'avais passé un bac STG (sciences et technologies de la gestion) et fait un an de BTS de commerce. Il fallait le BAFA (brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur} pour ce métier.
- Quel était votre quotidien ?
Le matin, j'ouvrais l'école à 7h30, j'étais le premier sur place et je m'occupais de la garderie. Dans la journée, je pouvais passer dans les classes pour aider les maîtresses. Le midi, j'étais dans la cour de récré, je surveillais. Et le soir, j'avais la garderie de 16h30 à 18h30. J'ai fait ça pendant deux ans, entre 2014 et 2015. Quand j'ai fait mes deux essais à Dijon (en décembre 2014 et avril 2015), il a même fallu que je pose des jours de congé.
- Et l'entraînement ?
On s'entraînait trois fois par semaine, à 19 heures, au Cap-Ferret. Comme je fermais l'école à 18h30, j'étais toujours en retard. En fait,je partais à l'heures de chez moi et je rentrais à 21h30, après l'entraînement.
« S'il n'y avait pas eu tout ça, j'aurais continué à l'école »
- Cette vie vous convenait-elle ?
J'adorais ma vie. Le foot m'épanouissait en sortant du travail. Et puis, j'ai toujours aimé les enfants, ils sont natures, il n'y a pas de filtre, pas de calcul. J'aime bien faire les opérations avec eux pour le club, ça me rappelle ma vie d'avant. À dix-sept ans, je travaillais déjà dans des centres de loisirs. S'il n'y avait pas eu tout ça, j'aurais continué à l'école, c'est sûr. Et puis, j'étais en train de monter en grade : la première année, j'étais juste surveillant, la seconde, j'étais responsable périscolaire (rires).
- Devenir professionnel était-il un objectif ?
Non. J'étais dans te plaisir, je voulais juste jouer au meilleur niveau possible, CFA 2 ou CFA. Jouer en National, c'était vraiment mon rêve.
- Dans ces petites Divisions, étiez-vous au-dessus du lot ?
En DH, oui, je jouais avec les seniors alors que j'étais un moins de 19 ans. Mais sinon, pas du tout. Ma première année de CFA 2 (2013-2014), à Lège, je n'ai pas été bon : quatre ou cinq buts et une ou deux passes décisives. Au début de ma deuxième année en CFA2 (2013/2014), je me souviens avoir dit à mes parents et à mon frère, à table : « Allez, c'est maintenant ou jamais, je vais essayer de faire une grosse saison pour choper un club de CFA ou de National. » J'ai marqué 19 buts cette saison-là , j'ai attiré les clubs et j'ai fait mes essais à Dijon. Jusque-là , j'avals eu des petits contacts avec Bergerac ou Trélissac, des clubs de CFA, mais rien de concret.
- Et vos essais avec Dijon, alors ?
Trois jours, en décembre 2014, grâce à Nicolas Sahnoun, mon ancien coach à Lège, c'était bien mais court. Je suis revenu une semaine en avril et j'ai signé pro. Quand ils m'ont fait monter dans le bureau, il y avait le coach, son adjoint, le président, le responsable du recrutement, je me suis dit: « Ouh là là , c'est sérieux, là . » On a officialisé tout ça, j'étais heureux, ça récompensait ma saison et mes sacrifices. J'avais pris ma chance.
- Le changement a-t-il été brutal ?
c'est allé vite et ça m'a fait bizarre, mais je suis quelqu'un de posé, j'ai eu le temps d'atterrir : A Dijon, j'étais déjà impressionné par les joueurs, alors à Nice, encore plus. L'univers a changé mais moi, pas. Il y a plus d'argent, les stades sont gros, on joue la Coupe d'Europe, il y a tout pour péter les plombs mais j'ai toujours dit à mes potes que je ne changerais pas. J'ai de la chance et je ne veux pas la gâcher en déjouant. Je bosse et je joue les coups à fond.
- Et entre un vestiaire de CFA2 et celui de Nice...
Tout est différent. On n'avait pas de staff, pas de kiné en CFA2, on n'avait pas de box, juste un portemanteau et pas de place attitrée. Les conversations ne sont pas les mêmes, les passions non plus, mais Arnaud Souquet, Micka Le Bihan ou Max Le Marchand ont connu un peu le même univers que moi. On se retrouve en parlant de notre vie d'avantet, du coup, on est tout le temps ensemble.
- Et en plus vous jouez tous les matches.
Je ne m'y attendais pas mais je voulais jouer. Le coach (Lucien Favre) m'avait vu avec Dijon, il aime ma fraîcheur et mon profil technique. Il m'a fait progresser. Il voit que j'ai envie d'apprendre.
- Plusieurs clubs s'intéresseraient à vous : comment voyez-vous la suite du coup ?
Je me vois rester ici. Je ne me fixe pas d'objectif et pas de limites. Je ne vais pas dire que je veux jouer en équipe de France ou au Real Madrid, ça non, mais si je peux aller plus haut et jouer la Coupe d'Europe chaque année, je signe.
- On ne vous a jamais mis de pression à la maison...
Mes parents ont toujours été derrière moi. Ils m'ont fait confiance mais ils ne m'ont jamais parlé de carrière pro. Chaque année, quand j'étais aux Girondins (en formation), ils me préparaient à ce que je sois viré en me disant : "Il vaut mieux être surpris que déçu, de toute façon la vie continuera. Ils avaient raison. J'ai connu plein de jeunes qui ont arrêté le foot quand ils se sont fait virer des Girondins. Quand je me suis fait virer, je suis revenu chez moi, à Langon, et j'étais là , le premier jour de la reprise de l'entraînement, comme si de rien n'était. Je n'en ai jamais voulu aux Girondins, ils m'ont appris les bases : pied droit, pied gauche. Mais aujourd'hui, je suis plus heureux qu'il ya trois ans, le foot, c'est mon métier maintenant.
- Retour -