Presse :
Dans les coulisses du rachat
France-Football, le 27/08/2019 à 07h34
Après des mois de tractations et de renversements de situation, l'OGCN entre dans une nouvelle ère en passant sous la coupe du multimilliardaire anglais. FF vous révèle les dessous de cette drôle d'opération.
En avril, quand le bruit a commencé à courir que le duo Rivère-Fournier, parti brutalement quelques semaines plus tôt en plein mercato d'hiver, pourrait revenir à l'OGC Nice comme maître d'oeuvre de l'ambitieux projet de rachat du club, cela avait de quoi surprendre. Mais rien n'est banal dans cette histoire. À commencer par l'apparition dans le dossier niçois de Jim Ratcliffè, l'homme le plus riche de Grande-Bretagne (11 milliards d'euros, 110e fortune mondiale selon le magazine américain Forbes). Petit retour en arrière, au début de l'hiver dernier. Alors que le mercato approche, Jean-Pierre Rivère et Julien Fournier, qui ont déjà failli partir l'été précédent en raison des divergences de vue de plus en plus flagrantes avec les actionnaires majoritaires américano-chinois, se disent qu'ils ne tiendront pas une année supplémentaire dans ces conditions. Comme il s'y est engagé auprès de Chien Lee, le principal actionnaire, Jean-Pierre Rivère démarche pour trouver un repreneur qui permettra au club de continuer à se développer et, comme ne manquent pas de le rappeler ses détracteurs, qui lui rachètera les 20 % d'actions du club qu'il détient toujours.
Quand Rivère envoie un mail à Ineos
comme une bouteille à la mer ...
En lisant l'article d'un journal économique où il est question de la nouvelle stratégie d'Ineos d'investir dans le sport (le groupe s'apprête alors à racheter l'équipe cycliste Sky et on évoque son intérêt pour Chelsea), Rivère a le pressentiment que Ratcliffe, le fondateur du groupe pétrochimique, venu s'installer pour des raisons fiscales à Monaco, pourrait fort bien s'intéresser à l'ASM. Suivant son intuition, il décide de tenter de le détourner de quelques kilomètres sur Nice. Il envoie donc un mail à Ineos afin de solliciter une rencontre avec Ratcliffe. Sans réponse, comme pour les relances suivantes.
UNE FORMALITE, ET POURTANT ...
Mais, fin janvier, Ineos donne finalement suite. Sauf qu'entre-temps, le 11 janvier, Rivère et Fournier ont claqué la porte du Gym. La rencontre a néanmoins lieu. Rivère a dû se montrer convaincant car Ratcliffe entre alors dans la danse du rachat, rencontre Chien Lee à l'initiative de Rivère, qui prend le risque de laisser tomber ses autres pistes tant le plan Ineos est une formidable opportunité. La vente pourrait être une formalité mais elle traîne. Jusqu'à ce que, coup de théâtre, le 25 avril, les actionnaires du Gym affirment qu'ils ne sont plus vendeurs. Pour quelle raison ? Gonfler le prix ? Sans doute. Parce que le retour du duo Rivère-Fournier, auquel Ratcliffe fait confiance, crispe en interne, notamment Patrick Vieira ? Possible. Si les deux ne semblent pas regretter leur départ car il a permis de mettre les autres actionnaires face à leurs responsabilités - vendre ou investir - , il a provoqué des dégâts, notamment auprès de Vieira, qui a pu nourrir le sentiment d'être trahi par ceux qui étaient allés le chercher quelques mois plus tôt. Dans le nouvel organigramme, le champion du monde 98 apparaît alors comme l'homme fort du sportif avec le soutien de Gilles Grimandi (directeur sportif) et de Mathieu Louis-Jean (responsable du recrutement) qui l'ont rejoint. Sans omettre qu'il a noué une bonne relation avec Gauthier Ganaye, le jeune président (30 ans).
ANNONCÉS FÂCHÉS, VIEIRA ET FOURNIER, ONT COLLABORÉ POUR RECRUTER
Toujours est-il que le projet Ineos n'emporte pas l'adhésion totale. La transaction va traîner jusqu'au 21 août, date du feu vert accordé par l'Autorité de la concurrence, au point de perturber le mercato niçois. Dans les semaines qui ont précédé, alors que l'inquiétude commençait à grandir en interne - provoquant quelques tensions et regards en coin entre ceux qui se sentent menacés, ceux qui se réjouissent et ceux qui s'impatientent - les travaux ont cependant avancé. Rivère s'est démené pour rendre le rachat possible, quitte à exacerber en toute connaissance de cause certaines susceptibilités pour débloquer la situation. Au point que, jusqu'au bout, son retour n'apparaissait pas aller de soi. Quant à Julien Fournier, il s'occupait du sportif avec le handicap de convaincre joueurs, agents ou clubs alors qu'il ne disposait d'aucun pouvoir juridique. Les arrivées attendues de Kasper Dolberg, l'attaquant de l'Ajax, ou d'Alexis Claude-Maurice (Lorient), celles espérées d'Adam Ounas (Naples), Orel Mangala (Stuttgart) ou Stanley Nsoki (PSG) - impossible à finaliser avant, d'autant que les dirigeants en place n'avaient aucun intérêt à faciliter les choses - ont été préparées par Julien Fournier et Patrick Vieira. Les deux hommes, qu'on disait en froid, ont collaboré au renforcement de l'effectif. Ils se seraient rencontrés il y a plusieurs semaines, au moment de la reprise de l'entraînement.
RIEN NE SERT DE TOUT BOULEVERSER
Il s'agissait d'abord de savoir si Patrick Vieira était partant pour poursuivre sur le banc niçois, ce que souhaitaient les revenants, confortés dans leur choix initial par la façon dont le coach a magistralement maîtrisé une saison des plus compliquées. Restait ensuite à régler les états d'âme, ce que les deux hommes ont convenu, se donnant le temps de mettre à plat les éventuels différends dans quelques semaines, avec le recul indispensable. Pas de place pour les ressentiments, la priorité est de lancer le nouveau projet en retrouvant l'unité au sein du club. Pour Vieira, c'est d'autant plus acceptable que ce programme est motivant et excitant. L'ambition d'Ineos est bien d'installer Nice dans le haut de la Ligue 1 et de faire en sorte qu'il apparaisse le plus régulièrement possible sur la scène européenne. La marche est importante et il faudra sans aucun doute réorganiser le club en fonction de cette ambition, avec les bonnes personnes aux bonnes places, ce qui prendra du temps. Faut-il s'attendre à un chambardement en interne ? À part Gauthier Ganaye, le grand perdant de l'histoire (ses patrons, eux, vont bénéficier d'une belle plus-value avec un prix de vente autour de 100 M€), rien ne sert de tout bouleverser pour le moment. Les gens en place l'étaient il y a six mois et ont été recrutés par l'équipe revenante. Même Grimandi, arrivé entre-temps, avait été approché, mais dans un autre rôle que celui de directeur sportif qu'il occupe aujourd'hui. Reste à savoir s'il acceptera de voir ses prérogatives réduites.
LE (MAUVAIS) EXEMPLE DES VOISINS
Le duo Rivère-Fournier devrait dans un premier temps se partager les rôles comme il l'a fait auparavant. Pour le moment, la prudence est de mise. Certes, Ineos a une surface financière qui fait rêver les supporters niçois. N'empêche, le modèle devrait ressembler au précédent mis en place par Rivère et Fournier, avec plus de latitude pour conclure. Là où ils auraient peut-être cherché une solution de prêt pour Dolberg,ils peuvent mener à bien un transfert. Avec le souci, non pas de pratiquer un trading à la monégasque avec plus-value indispensable sur la revente des talents, mais de privilégier, malgré tout, de jeunes joueurs à potentiel pour enrichir l'actif joueurs et ne pas être freinés par le fair-play financier de l'UEFA comme l'est Marseille. L'OM a misé sur des joueurs - trop? - expérimentés qui peinent à trouver preneurs aujourd'hui en raison du montant de leurs rémunérations. Les difficultés des voisins, monégasques et marseillais, sont un bon rappel à l'ordre.
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