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Rivère : « Démarrer la saison en février »
L'Equipe, le 24/03/2020 à 12h47
Pour répondre au flou provoqué par la pandémie de coronavirus, le président de l'OGC Nice Jean-Pierre Rivère imagine un calendrier bouleversé à long terme.
Président de l’OGC Nice et vice-président du collège des clubs de L1, Jean-Pierre Rivère (62 ans) est d’accord avec ses homologues qui souhaitent en priorité achever la saison le plus tôt possible, pour répondre à des obligations « éthiques et économiques ». Mais les incertitudes pèsent si lourd qu’il a imaginé une solution plus radicale, qui bouleverse profondément le calendrier sportif en le calquant sur l’année civile. Il nous a détaillé son plan hier, avant de participer au bureau réuni par la Ligue pour évoquer la crise qui inquiète les acteurs du foot professionnel.
- Vous étiez resté silencieux jusqu’à maintenant. Comment avez-vous vécu les polémiques entre dirigeants de Ligue 1 ?
Il n’est pas évident de parler de foot en ce moment, c’est presque indécent car il y a des choses plus importantes. On est tous préoccupés par la situation sanitaire qui est l’objectif n° 1. Mais on est obligés, en tant que dirigeants d’entreprises, de regarder ce qui peut se passer après.
- On ressent une grande inquiétude au sein des clubs français…
Personne ne peut savoir quand nous pourrons reprendre le Championnat. Je n’ai pas de boule de cristal.Après, il faut aussi qu’on soit mesurés. Oui, le foot est en grand danger, mais malheureusement l’économie est en danger et des millions de gens sont en danger. La particularité du foot, avec un chômage partiel plafonné à 4,5 fois le SMIC, c’est que vous dépassez largement ce seuil. Vous avez des échéances salariales importantes à régler et pas de recettes en face. L’interrogation de tous, c’est combien de temps ça va durer et combien de temps pourrons-nous payer ces échéances ?
- Quelle est votre solution pour passer cette crise ?
Elle est très complexe à mettre en œuvre. Ce n’est pas la meilleure mais ce doit être une alternative si la pandémie se prolonge. Bien sûr qu’on souhaite tous finir la saison le plus vite possible, mais si on ne peut pas ? Au-delà de l’année en cours, essayons de donner une cohérence aux trois saisons à venir. En 2022, la Coupe du monde au Qatar se déroule du 21 novembre au 18 décembre. Mon idée a pour objectif de s’adapter à cette compétition décalée, et à l’inconnu d'aujourd’hui. Nous pouvons prendre tout notre temps pour finir la saison actuelle en octobre ou novembre, et on démarre la saison prochaine en février. On peut intégrer l’Euro en juin et nous finissons fin octobre. En 2022, on fait une petite trêve en août et le même déroulement avec la Coupe du monde dans la foulée.
- Pourquoi tout décaler ?
Ma réflexion est partie de la date de la Coupe du monde, et du fait qu’on ne maîtrise pas le temps nécessaire pour éradiquer le coronavirus. Ce calendrier permet de donner du temps pour se remettre à l’endroit sanitairement, économiquement. C’est une idée extrême mais qui a du sens. Elle permet d’éviter les matches en janvier, là où on joue le plus actuellement alors que les pelouses sont les plus dégradées. Imaginez un foot où on puisse jouer tout le mois de mai, de juin, de juillet…
- On sera alors davantage confronté au réchauffement climatique…
Bien sûr, mais l’été est aussi une saison pour jouer plus tard, et le réchauffement va également s’appliquer aux Coupes du monde qui obligent à jouer toute la journée. Et même si l’Euro et la Coupe du monde doivent rester en période d’été, pourquoi pas, vous marquez une trêve dans votre Championnat et vous reprenez ensuite. On aurait des joueurs moins épuisés, avec des compétitions plus dynamiques. Cela peut s’envisager mais ça doit l’être sur un plan européen, mondial, et la pandémie peut nous y amener. La FIFA nous a donné des dates particulières pour la Coupe du monde 2022. Si ça donne satisfaction, pourquoi ne pas continuer ? Dans ces moments de secousses terribles, il faut être capable de se projeter au-delà de l’instant T.
- Vous n’êtes donc pas favorable à une reprise à huis clos de la L1 pour accélérer le calendrier ?
Je m’adapterai à la position générale. On peut le faire, mais c’est très répétitif et ennuyeux de jouer dix matches à huis clos, et c’est l’après qui me préoccupe. Si on finit nos matches rapidement, on va toucher nos droits télé, mais est-ce raisonnable ? Le mercato va être compliqué, peut-être atone. On va attaquer la saison suivante très vite, alors que la priorité de nos partenaires, de nos supporters, sera de retrouver du souffle dans leur entreprise. Je pense qu’on va aussi avoir des difficultés dans ce schéma. Alors que si les nouveaux abonnements sont sollicités pour le mois de février prochain, j’espère que tout le monde aura eu le temps d’assainir sa situation et le mercato se passerait pendant la trêve hivernale.
- Souhaitez-vous d’autres changements en profondeur ?
Quand vous êtes face à un tel phénomène, il faut repenser certains sujets et se poser les bonnes questions. Est-ce qu’on ne doit pas modifier notre modèle économique ? Notre objectif doit être que le foot en sorte plus fort, plus structuré. Il faut tout mettre sur la table, au-delà des problématiques urgentissimes de trésorerie. Mais le plus important est que le coronavirus fasse le moins de victimes.
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