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Dante : « Ces matches, c'est ma vie »
L'Equipe, le 06/05/2022 à 23h39
Habitué des finales avant de rejoindre Nice en 2016, le défenseur Dante explique comment il prépare un tel événement (la finale de la Coupe de France, samedi face à Nantes), qui peut changer le statut de son club.
Le palmarès français de Dante ne compte pour l'instant qu'une Coupe Intertoto, gagnée avec Lille en 2004. Dix-huit ans après, le capitaine niçois sera le premier à soulever la Coupe de France en cas de succès contre Nantes, samedi soir, et il connaît bien cette émotion : au milieu de trois titres de champion d'Allemagne (2013, 2014, 2015) et d'une Ligue des champions (2013), il a remporté deux Coupes d'Allemagne avec le Bayern Munich (2013, 2014), où la victoire est une routine. Ce n'est pas le cas à Nice, et l'expérience du défenseur brésilien (38 ans) est donc plus que jamais capitale.
- Vous n'avez pas remporté de finale depuis 2014. Savez-vous encore comment on en gagne ?
Ça ne changera jamais. Tu la prépares toute la semaine et tu n'es pas seulement vigilant sur les consignes tactiques, les gestes techniques ou le physique. Il faut gérer le stress, les émotions. Il est très important de réfléchir à la façon dont on doit être sereins pour ce match.
« Il faut penser au plaisir, ne pas vouloir faire le match de notre vie ou le refaire quatre fois avant. Le plus lucide gagnera. »
- C'est là où l'expérience compte particulièrement ?
Oui et non, car j'ai déjà vu des joueurs faire une finale de fou pour leur première. Je ne vais pas tenir de discours particulier aux jeunes. Tu ne peux pas te dire que tu dois tout faire plus fort en finale. Tu dois juste faire ce que tu sais faire. Il faut que tout soit bien clair dans ta tête. On est là grâce à l'état d'esprit du groupe, à notre abnégation. Cette envie, cette solidarité, c'est ce qu'il faut évoquer avec des petits rappels. Il faut penser au plaisir, ne pas vouloir faire le match de notre vie ou le refaire quatre fois avant, ça fatigue et tu peux avoir des petits blocages ensuite. Le plus lucide gagnera.
- Est-ce plus difficile d'aborder une finale à Nice qu'au Bayern, où il y a une culture des titres ?
Quand tu t'habitues à ces événements, tu as naturellement le bon comportement, tu perfectionnes l'approche au fil des saisons. Mais l'envie est tellement grande ici que ça remplace toute cette expérience.
- Une finale, c'est plus de pression à Nice qu'au Bayern ?
Au Bayern, tu sais que tu auras d'autres finales les saisons d'après. À Nice, on travaille pour connaître ça tous les ans mais on ne sait pas quand sera la prochaine. Ça ne met pas plus de pression, car je vois toujours les choses positivement : il faut être heureux de tenir cette chance d'entrer dans l'histoire du club, de rendre les gens fiers de notre travail. Je suis niçois depuis 2016, je rêve d'une Coupe ici. Quand tu vois le club en finale, à la lutte pour le podium en L1, tu sens qu'il y a une progression à tous les niveaux et il faut s'appuyer sur cet élan.
« On devient compacts dans les grands événements avec l'envie de souffrir ensemble. Le coach (Christophe Galtier) a inculqué sa mentalité de la gagne. »
- Le Gym a-t-il particulièrement besoin de matérialiser cette évolution par un trophée ?
La finale la symbolise déjà . Après, on maîtrise moins l'issue. Des grands clubs arrivent en finale de Ligue des champions et ne la gagnent pas. Elle récompense ce que le club réalise et ça fait du bien d'avoir des résultats, ça montre que nous sommes sur le bon chemin. Tout le monde prend goût à répéter ces événements, c'est ce qui porte le club à un haut niveau.
- Rennes a pris une autre dimension après la Coupe de France gagnée en 2019 contre le PSG. Nice se retrouve-t-il dans la même situation ?
Ça peut être comparable, car si on gagne la Coupe, c'est un grand signal sur notre progression et ça peut ouvrir les esprits, des portes, pour aller le plus haut possible. Ça peut être un grand lien avec le public, pour qu'il vienne nous soutenir davantage car les gens aiment voir, toucher le résultat. Déjà , ils t'arrêtent dans la rue pour te parler de la finale avec les yeux qui brillent, et c'est beau.
- La Coupe a-t-elle transformé votre saison ?
Cette compétition a malheureusement laissé des traces. Après le huitième contre Paris (0-0, 6-5 aux t.a.b.), on perd contre Clermont (0-1). Après le quart contre Marseille (4-1), on perd à Lyon (0-2). Cela nous a coûté des points mais cette équipe a pris goût à jouer des matches décisifs. Ça, c'est bien. On devient compacts dans les grands événements avec l'envie de souffrir ensemble. Le coach (Christophe Galtier) a inculqué sa mentalité de la gagne. Dans les moments plus compliqués, on veut montrer que nous sommes difficiles à battre.
« Avant, je ne pensais qu'aux résultats de l'équipe. Je voyais un joueur avec la tête basse, je m'occupais de lui et je m'oubliais. »
- Vous attendiez-vous à être aussi à l'aise, après votre rupture des ligaments croisés du genou gauche en novembre 2020 ?
Non. Déjà , je n'ai pas loupé un entraînement cette saison, c'est énorme. Je n'ai pas de mal à récupérer après les matches, je suis bien. Nous sommes la défense qui a pris le moins de buts en L1, ça me rend heureux. C'est grâce à toute l'équipe, mais j'en suis un des leaders. On a transmis des valeurs et c'est une fierté.
- Êtes-vous meilleur qu'avant la blessure ?
Oui, je ne m'étais jamais blessé gravement et je suis très exigeant avec moi. Je sentais que j'étais un peu fatigué mentalement à force d'enchaîner. J'ai sous-estimé la bascule après 35 ans, je voulais être le même tout le temps et ce n'était pas la bonne manière de gérer les efforts. Je n'en fais pas moins mais je me rends compte que certaines choses sont primordiales, et que je commettais des erreurs. Je me mettais trop la pression à vouloir m'occuper de trop de choses pour l'équipe. J'explique différemment le travail à la nouvelle génération, je les laisse plus tranquilles, ça me prend moins d'énergie et c'est plus efficace. Avant, je ne pensais qu'aux résultats de l'équipe. Je voyais un joueur avec la tête basse, je m'occupais de lui et je m'oubliais. Ça ne signifie pas que je ne m'occupe plus de ça, mais je gère mieux.
- Vous dites-vous que ça pourrait être votre dernière finale ?
Bien sûr, car même si je vais travailler encore plus la saison prochaine, il faut être lucide. Quand je pense à ça, j'ai froid dans le ventre, ça me touche... Mais il ne faut pas penser à l'après, au négatif. J'ai la chance d'avoir cette finale devant moi après une telle blessure, la chance de soulever cette Coupe vingt-cinq ans après la dernière du Gym. Je savoure chaque entraînement comme si c'était le dernier car si j'ai à nouveau une blessure grave, ça peut vraiment être le cas. Alors, la finale... Ces matches, c'est ma vie. Tu travailles toute l'année pour ça. Mais si je réfléchis trop à la dernière, ça va partir dans tous les sens, même à 38 ans !
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