AVANT BORDEAUX - NICE. - Passé par Bordeaux il y a sept ans, le Brésilien s'est épanoui à Nice aux côtés de Gernot Rohr.
Un crâne lisse et un pied gauche. C'est à ces signes distinctifs que l'on repère d'abord Everson sous le maillot rayé noir et rouge du « Gymn ». Depuis deux saisons, il arpente les pelouses de Ligue 1 et y distribue ses frappes plongeantes qui figurent sans conteste parmi les plus lourdes du championnat. Demandez à Chaigneau, le portier rennais, qui a manqué se couper les doigts à effleurer un obus venu décaper sa lunette gauche le week-end passé...
Tireur émérite de coups francs, batailleur du milieu de terrain, animateur du jeu sur son côté gauche, récupérateur teigneux quand le besoin s'en fait sentir, l'homme possède et le physique et la technique pour briller. Il a mis du temps à les exploiter. Il y a sept ans, il a quitté son Brésil natal pour débarquer... au Haillan, au même moment que son compatriote Ricardinho. Il a tout de suite tapé dans l'oeil de Gernot Rohr, qui tenait les manettes de la réserve CFA des Girondins. « Je l'ai vu arriver décontracté, avec son tatouage. Il incarnait l'enthousiasme, la fougue et l'envie, conjuguées avec la technique. C'est rare », se remémore son coach niçois.
Cette appréciation n'était pas partagée par Guy Stephan, l'entraîneur bordelais de l'époque. « Je savais que Gernot me poussait dans la perspective d'un contrat pro aux Girondins, mais ça ne passait pas avec Stephan. Je n'en veux pas du tout au club, c'est l'affaire d'une personne », avoue Everson aujourd'hui. Alors, au bout de cinq mois, le Brésilien a repris son paquetage pour le poser au Paris SG, puis au Servette de Genève, où il a été immédiatement prêté.
Ce joueur pétri de talent s'est alors perdu. Perdu sur les chemins tortueux du professionnalisme européen. De club improbable en voie de garage (Molenbeek en Belgique, Brunswick, Bielefeld, puis Osnabrck pour finir en D 3 allemande), il a gentiment végété à l'abri de la lumière. Il n'hésite pas aujourd'hui à faire son autocritique. « Je regrette beaucoup ces années gâchées. Je manquais de maturité, sur et en dehors du terrain. Je ne cessais de collectionner les cartons rouges. J'en étais venu à me bagarrer en match. A Molenbeek, j'ai terminé avec une suspension de deux mois. J'ai pris beaucoup de claques », raconte l'intéressé.
L'oeil de Rohr.
Pendant tout ce temps, Gernot Rohr ne l'a pourtant pas perdu de vue. Il a failli l'engager à Créteil lors de sa courte expérience francilienne. Il a fini par lui mettre le grappin dessus alors que Everson, fatigué, était prêt à solder sa carrière en Chine. « Gernot m'a dit que j'étais trop jeune pour partir là -bas. Il m'a invité au Cap-Ferret, dans son hôtel. On a trottiné ensemble, discuté ensemble. Il m'a assuré qu'il comptait sur moi à Nice. J'ai dit oui. Aussi bien en CFA à Bordeaux qu'à Nice, je lui dois mes meilleurs souvenirs de football depuis que je suis en Europe », glisse le Brésilien en forme d'hommage appuyé.
Ce miraculé du professionnalisme n'est pas un ingrat. Avec six buts l'an passé, cinq cette année et un indéniable rayonnement sur le jeu, Everson est pour beaucoup dans le niveau inespéré des performances du club, le dixième rang acquis au terme de l'année passée et le huitième qu'occupent actuellement les Aiglons, à portée de fusil de cette place européenne qui miroite dans leurs rêves. Assagi par son mariage et la récente naissance de son fils « Un Niçois ! » dit-il , Everson n'a certes pas effacé sa tendance à récolter les cartons, mais ils pleuvent jaune comme les blés (neuf cette saison) plutôt que rouge comme la colère des arbitres (un seul). Seul problème ces temps-ci, il traîne une vilaine douleur aux adducteurs qui amoindrit son rendement et l'emmènera bientôt consulter un spécialiste en Allemagne.
Sa cote grimpe.
Ce souci n'a évidemment pas empêché la cote du joueur de grimper plus vite que Pantani en danseuse dans l'Alpe-d'Huez. Pas fou, Rohr l'avait fait signer jusqu'en... 2008, avec une clause libératoire fixée à 3,5 millions d'euros qui devrait décourager les miséreux. Cela suffira-t-il à maintenir Everson à quai sur la Promenade des Anglais la saison prochaine ? Pas sûr. Le Brésilien ne cache pas qu'il se penchera sur son avenir aussi bien sportif que financier à l'intersaison. Si ce polyglotte (portugais, anglais, allemand, français et des connaissances en espagnol) devait partir, ce serait « plutôt à l'étranger, plutôt vers le soleil ». Celui qu'il promet avant tout à Nice pour ce printemps.
Jean-Denis Renard
Sud-Ouest