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La promenade des Aiglons
France-Football, le 15/10/2002 à 07h45
HISTOIRE : Comme aux plus belles heures de son riche passé, l'OGC Nice respire à nouveau le doux parfum de l'élite. Un bonheur partagé par tous les Niçois, avec en première ligne, quelques glorieux anciens réunis par FF sur la promenade des Anglais, aux côtés de joueurs d'aujourd'hui.
Vic Nuremberg, Pancho Gonzales, Eric Roy, Jean-Noël Huck, Léon Rossi, Daniel Bravo et Bruno Valencony ou le défilé des années en rouge et noir.
ROSSI, LE FIDÈLE SAUVEUR
Aujourd'hui retraité, double champion de France, ce milieu de terrain défensif réalisa aussi une belle carrière d'entraîneur.
Léon Rossi fut l'éternel pompier du Gym. Après une honnête carrière de joueur au club, entre 1946 et 1952, marquée par les deux titres consécutifs de 1951 et 1952, et après avoir joué cent matches de Championnat pour le club, il poursuivit sa carrière à Toulouse, au Red Star, à Rennes, puis à Cannes. « Mais, de mes années de joueur, c'est la période niçoise que je retiens, raconte Léon Rossi, bientôt quatre-vingts ans, qui vit aujourd'hui là où il est né, sur les hauteurs de Villefranche-sur-Mer.
C'était des années extraordinaires. Je me souviens par exemple de la tournée que nous avions effectuée au Brésil en 1951, en récompense de notre titre de champion de France. » Bien des années plus tard, c'est en qualité de cadre technique et d'entraîneur qu'il se mit au service du Gym, après l'avoir été au Stade Français (1961-1963).
Avec un rôle d'éternel sauveur, de recours dans les périodes de crise. En 1969, alors que Nice est condamné à la descente, il remplace Pancho Gonzales. Il fait remonter l'équipe en une saison, puis obtient le maintien (14e), mais est remplacé par Jean Snella.
Le président de l'époque l'avait prévenu sans ménagement : « Nous avons contacté Jean Snella. Dès qu'il arrive, vous partez... » Mais, fidèle, il restera au club comme adjoint de Snella. En 1977, Léon Rossi revient sur le devant de la scène, après la démission de son poste d'entraîneur de Jean-Marc Guillou, qui cumulait les responsabilités techniques avec les fonctions de joueur et de capitaine.
Le Gym termine bien la saison, à la septième place, et Rossi est reconduit pour la saison 1977-78 ou il amènera le Gym jusqu'à la finale de la Coupe de France, perdue contre Nancy et Platini. La saison suivante, il est remplacé par son adjoint, Koczur Ferry, un autre serviteur historique du Gym, mais reste à son tour à ses côtés comme adjoint.
En 1979, on lui demande encore de sauver les meubles, avant la saison, alors que le club a les comptes dans le rouge, et qu'Albert Batteux, qui a fait une pige la saison précédente, s'en est allé. Cette saison-là , le club perd Guillou, Katalinski, Zambelli et Muller. Nice lutte en bas tableau mais se sauve. Pourtant, dès le mois de mars, Léon Rossi apprend que Vlatko Markovic revient au club. « Les dirigeants m'ont dit " Vous vous occuperez du recrutement. Et vous n'aurez à venir au stade que le matin. " C'est drôle, mais on a souvent cru que je délaissais le club pour aller jouer aux boules... »* Léon Rossi finira son travail sans rien laisser paraître de son amertume. Quelques mois plus tard, il avouera : « J'aurais bien aimé qu'au moins une fois les dirigeants niçois me demandent ', Quels joueurs vous faut-il ? ", et qu'ils me donnent trois saisons pour réussir. »
Finalement, la plus grande réussite de Léon Rossi au Gym aura été - alors qu'entre deux coups de main à l'équipe première il en était le recruteur avisé - de faire signer Daniel Bravo. Un coup de génie, puisque le Petit Prince, repéré lors d'un stage de l'équipe de France cadets, signe à Nice au nez et à la barbe de Saint-Etienne, Bordeaux, Sochaux, PSG, Toulouse et Nantes. Pour zéro franc. Sur la promenade des Anglais, le vieux monsieur esquisse un sourire en regardant son poulain, jeune retraité des terrains. « C'était un joli coup, non ? »
* Citation extraite du Roman des Aiglons, éditions AlpAzur, 1985.
GONZALES LA MEMOIRE NIÇOISE
Argentin, fils d'émigrés espagnols, le plus titré des Niçois encore au club, avec notamment trois titres de champion et deux Coupes de France, est la mémoire d'un club à part.
La vie est un roman qui pourrait s'intituler « Les mille et une histoires des Aiglons ».
Ce septuagénaire ne compte plus les offres des maisons d'édition pour ses mémoires.
Ce récit ne manquerait pas d'humour, d'anecdotes à la saveur du terroir car l'ancien défenseur a épousé Nice jusque dans son parler « nissart ». Un coup de foudre survenu le 3 mai 1951, dans des circonstances inimaginables. Celui qui n'est encore que César (son vrai prénom), mais déjà « le Maréchal » pour les socios argentins, s'est embarqué pour la traversée de l'Atlantique. Destination le Racing Club de Paris, qui souhaite recruter l'élégant arrière du Cero Montevideo, du Penarol puis de Sao Paulo, au Brésil. A bord du paquebot, deux joueurs brésiliens attendus à Villefranche-sur-Mer par leur compatriote du Gym, Yeso Amalfi, qui avait évolué en Uruguay avec Gonzales. Le lendemain, les deux anciens coéquipiers se retrouvaient pour un match amical au Ray devant les Ecossais d'Hibernians. Les Parisiens attendent toujours leur renfort sud-américain... Sous le maillot niçois durant onze saisons, Pancho Gonzales conquiert le titre national en 1952, 1956 et 1959 et la Coupe de France en 1952 et 1954.
« La première finale, c'était face à Bordeaux. Nous étions déjà champions, les Girondins deuxièmes à un point. Nous nous sommes imposés 5-3, devant 65 000 spectateurs, à Colombes. Deux ans plus tard, nous jouions contre l'OM. A trente secondes de la fin, on menait 2-1, Scotti loba notre gardien Hairabedian. En ultime recours, j'ai fait ce retourné qui est resté dans les mémoires. Encore aujourd'hui, on me demande si le ballon était entré ou pas. Tout ce que je peux dire, c'est que j'ai touché la transversale du pied. Le retour sur Nice fut indescriptible. Jamais un train n'aura mis autant de temps à faire le trajet.
Les Marseillais étaient montés sur Paris avec une locomotive peinte en blanc. M. François, le chef de gare de Nice, nous avait du coup envoyé un engin aux couleurs du Gym. » La chevalière en or offerte par la mairie pour le premier doublé toujours au doigt, il a vécu sans jalousie l'évolution du foot pro. Les Aiglons, premiers vainqueurs hexagonaux du (déjà ) grand Real, mais éliminés à deux reprises par le futur champion d'Europe, devaient faire, le mur pour pouvoir s'entraîner sur la pelouse du Ray. L'Atletico de Madrid, le Betis, le Milan AC ont tenté en vain de recruter Gonzales. « On était alors totalement lié à son club. Imaginez qu'à trente-quatre ans j'ai dû débourser 5 millions d'anciens francs pour rejoindre Nantes deux ou trois mois avant le terme de mon bail niçois ! »
Capitaine lors de l'accession des Canaris avec un certain José Arribas, il refusera un contrat en blanc du FCN pour renouer avec ses premières amours niçoises, où il dirigera l'équipe pendant cinq ans, le temps de la ramener dans l'élite. Entraîneur d'Angers, de Rouen, du WAC de Casablanca, des sélections de Madagascar, du Gabon et de la Côte d'Ivoire, Pancho Gonzales n'a pas hésité une seconde à regagner le bercail en 1991 à la demande d'André Bois, le président d'alors.
Toujours bon pied, bon mil, le plus titré des Azuréens encore en activité ne cache pas une certaine tendresse pour la génération actuelle. « Notre équipe était très forte, sans doute un peu moins que celle de la décennie 70 qui était bâtie pour tout gagner. Les garçons d'aujourd'hui sont attachants. Ils donnent tout ce qu'ils ont.
Il y a du travail, du talent et beaucoup de joie. Ils me rappellent un peu la promotion 1956. En début de saison, Me Charles, le président, nous avait convoqués, Vic Nuremberg et moi. « Il n'y a plus d'argent. Nous allons juste incorporer deux ou trois jeunes du club. Je ne vous fixe qu'un seul objectif, le maintien », nous avait-il alors dit. A la fin de la saison, nous étions champions... »
NUREMBERG, LE JOUR DE GLOIRE
Trois fois champion de France et vainqueur de deux Coupes de France, ce Luxembourgeois aujourd'hui retiré à Nice fut un attaquant d'une rare efficacité.
C'était il y a un demi-siècle, aux alentours de Noël 1951. Un jeune Luxembourgeois de vingt et un ans posait ses valises sur la promenade des Anglais. Au même endroit, cinquante ans et quelques mois plus tard, Vic Nuremberg se souvient : « Je suis arrivé là parce que le président niçois connaissait bien le grand patron de l'Office du tourisme luxembourgeois... » Une histoire plutôt floue dont les détails se sont un peu perdus dans les méandres du temps. Car, pour Vic Nuremberg, les souvenirs qui comptent sont ceux d'après, de cette vie qui a aussi commencé à Nice, et qui s'y poursuit aujourd'hui alors qu'il file sur ses soixante-douze ans. « Vous savez, quand on a mis les pieds ici, on n'a pas envie de remonter dans le Nord », sourit-il, amusé.
Vic Nuremberg joua pour le Gym de 1951 à 1960, neuf saisons au cours desquelles il devint l'homme des buts historiques. Quelques mois à peine après son arrivée, dans un club champion de France en titre, il devint un des héros de la première victoire des Aiglons en Coupe de France. Avant la demi-finale à Metz, l'entraîneur, Numa Andoire, prend une décision révolutionnaire : il écarte les deux attaquants de l'équipe, le Suédois Per Bengtsson et surtout Désir Carré, la vedette de l'époque, qu'il juge fatigués en fin de saison, au profit des jeunes Carniglia et Nuremberg, ce dernier pourtant encore amateur.
Il promet aux joueurs alignés à Metz qu'en cas de victoire ils seront reconduits pour la finale. Nice s'impose et Nuremberg marque. Ainsi le jeune Vic et son compère argentin Carniglia sont-ils titulaires pour la finale, contre Bordeaux, à Colombes, alors que Carré et Bengtsson sont restés à Nice. Ils marqueront chacun un but lors de ce match de folie remporté 5-3 par le Gym, qui réalisera le doublé quelques jours après.
Deux ans plus tard, Nuremberg et Carniglia récidivent lors de la finale 1954 contre Marseille. Cette fois, Nice s'impose 2-1. La coupe attendra quarante-trois ans et 1997 avant de revenir sur la Promenade. Vic Nuremberg, lui, continuera pendant toutes les années 50 à marquer des buts pour le Gym (88 buts en 252 matches de D 1 au total), avant de connaître son jour de gloire quelques mois avant son départ pour Sochaux. C'était le 4 février 1960, peut-être le plus grand jour de l'histoire du Gym.
En quarts de finale de la Coupe d'Europe des clubs champions, l'OGC Nice, qui a retrouvé son titre national en 1959, reçoit le Real Madrid. Le « roi de l'Europe », bien que privé de Di Stefano, mène 2-0 après une demi-heure de jeu. Mais, en seconde période, une folie brûlante s'empare du jeu niçois.
Par trois fois, Vic Nuremberg trompe le gardien madrilène. Le Luxembourgeois devient un héros pour toujours, et aujourd'hui encore, dans les bistrots de la vieille ville ou du port, quand on évoque son nom, c'est pour parler des trois buts contre le Real. « Au retour, on en avait pris quatre, mais on avait déjà réalisé un truc fou », sourit le sémillant septuagénaire. Pour Vic Nuremberg, l'histoire d'amour avec Nice était écrite pour toujours.
HUCK, L'ETOILE SANS TITRE
L'international alsacien était un des leaders de la génération dorée des années 70, qui a fait rêver Nice sans jamais rien gagner.
La cicatrice est encore douloureuse, vingt-quatre ans après cette finale de Coupe de France perdue devant le Nancy de Michel Platini. La génération dorée dont a fait partie Jean-Noël Huck a alimenté durant la décennie 70 l'imaginaire des amateurs de foot, mais n'a pas su se forger de palmarès.
Au printemps 1971, Jacques Médecin, le maire de l'époque, et le président Roger Lœuillet avaient délacé les cordons de la bourse et frappé un énorme coup en enrôlant cinq internationaux : Charly Loubet, Hervé Revelli, Francis Camérini, Dominique Baratelli et Jean-Noël Huck, un milieu offensif strasbourgeois en pleine ascension. « On nous a surnommés les " Millionnaires de la Côte ", se rappelle Jean-Noël. Je crois que le club avait investi 5 millions de francs de l'époque. Du coup, sur le terrain, nous en avons entendu des remarques... » Quelques mois plus tard, l'Alsacien est sacré footballeur français n° 1, et le Suédois du Gym, Leif Eriksson, meilleur étranger. Pourtant, Nice se contente d'une anonyme 8e place au classement.
Qu'importe, tour à tour, Dick van Dijk, auréolé d'une victoire en Coupe d'Europe avec l'Ajax, Marco Molitor, soufflé au nez et à la barbe de l'ASSE, le rival de l'époque, Jean-Pierre Adams, Jean-Marc Guillou, Nenad Bjekovic prendront place dans la constellation du Gym. Nice accumulait les titres honorifiques de champion d'automne. Mais les premières averses hivernales noyaient systématiquement l'ensemble. « Le fait est qu'on livrait des matches époustouflants en début et en fin de saison, mais qu'on accusait un gros passage à vide pendant les trois mois d'hiver. Même moi, qui venais pourtant de l'Est. Nous pratiquions un football très offensif.
En sept ans, nous avons dû enlever le titre de meilleure attaque à cinq reprises... » Quelques exploits mémorables accompagnent cette épopée : l'élimination du Barça de Cruyff en Coupe de l'UEFA, la victoire à Geoffroy-Guichard après cinq ans d'invincibilité des Verts dans leur Chaudron... Après avoir totalisé 491 matches dans l'élite (Paris FC, PSG, Mulhouse, Strasbourg), Jean-Noël Huck a aujourd'hui regagné le Sud. « Je partage avec Pancho Gonzales la particularité d'avoir tout fait dans ce club. De 1986 à 1993, j'ai été successivement responsable du centre de formation, adjoint de Bjekovic, directeur sportif puis entraîneur.
Durant ces sept ans, tout a bougé dix fois plus que durant mon septennat de footballeur. Je n'avais été dirigé que par trois hommes : Jean Snella, Léon Rossi et Vlatko Markovic... » La dernière décennie vécue par le Gym n'a pas calmé les choses.
« De malade, le Gym est devenu agonisant. Au printemps dernier, lorsque le club était menacé de rétrogradation en National, j'ai eu la douloureuse impression de revivre le dépôt de bilan de 1991. Les vrais-faux candidats à la reprise, les rumeurs, les espoirs déçus... La situation municipale était alors beaucoup plus floue, Jacques Médecin venait de s'enfuir, nous étions livrés à nous-mêmes, et c'était perdu d'avance. Aujourd'hui, j'ai le sentiment que quelque chose de sérieux se met en place. Mais j'ai toujours pensé que seule une solution niçoise était à même de fédérer toute une ville autour de son club... »
BRAVO, LE PETIT PRINCE DU RAY
Champion de France, vainqueur de trois Coupes de France, d'une Coupe des Coupes et du Championnat d'Europe des nations, il a presque tout gagné. Mais rien avec Nice. Eternels regrets.
Comme dans toutes les grandes histoires d'amour, il y a une part d'irrationnel dans cette affaire-là . Entre Daniel Bravo et l'OGC Nice, c'est clair depuis le premier jour : c'est pour la vie. Quand Léon Rossi, qui avait repéré le petit blond lors d'un stage de l'équipe de France cadets à Aix-en-Provence, frappa à la porte de la maison familiale de Cugnaux, dans la banlieue de Toulouse, un jour de décembre 1979, l'affaire était déjà gagnée pour le recruteur du Gym. « C'était important pour mes parents qu'il fasse le déplacement, c'était une preuve de sérieux pour eux. Mais, de toute façon, pour moi, le choix était déjà fait. J'avais des propositions de plusieurs clubs, mais, pour moi, c'était Nice.
Je ne sais pas vraiment pourquoi. Je pense qu'il y avait les grands joueurs de l'époque, les Huck, Katalinski, etc. Il y avait aussi la mer, le soleil. Je sentais que c'était mon club. » Le Petit Prince du Ray endossa également les tuniques de Monaco et du Paris-SG, puis, sur une fin de carrière accélérée et réussie, celles de Parme, de Lyon et de Marseille, mais c'est toujours vers Nice que ses pas et son coeur l'ont ramené, comme lors de cette dernière et malheureuse expérience de 1999-2000.
La troisième de sa carrière au Gym, qui devait constituer l'apothéose, le bouquet final - « Je rêvais de remonter en D 1 avec le Gym et de disputer sous son maillot les quinze matches de D 1 qui me manquaient pour atteindre la barre des 500 » -, et qui se termina en eau de boudin. « Ça s'est mal passé, l'ambiance n'était pas bonne, il y avait une guerre des clans, des histoires politiques... Je n'ai pas voulu choisir mon camp et on me l'a fait payer, d'autant plus que j'avais un gros salaire. »
Alors quand, sur la promenade des Anglais, en cet après-midi ensoleillé d'octobre, il retrouve avec plaisir ceux d'autrefois et ceux d'aujourd'hui, il lâche ces mots qui font mal : « Je n'aurai jamais dû revenir... »
Daniel Bravo aurait certes préféré n'entretenir que le chaud souvenir de ses deux premiers passages au club. D'abord, bien entendu, il y eut les années du Petit Prince du Ray, cette jeunesse foudroyante et magique qui le vit débuter en D 1 à seize ans, le 24 juillet 1980, quelques mois après son arrivée, marquer un but lors de sa première sélection en équipe de France à dix-neuf ans, un jour d'hiver 1982 contre l'Italie, et gagner à jamais sa place dans l'histoire du club. De cette époque, il conserve surtout le souvenir « de tous ces gens fantastiques qui, dans l'ombre, ont aussi fait l'histoire du club ».
Il évoque son premier entraîneur au centre de formation, Koczur Ferri - « Un bonhomme extraordinaire, il m'a appris tellement de choses. Il boitait, mais quand il nous faisait des démonstrations de reprise de volée, il n'en ratait pas une » -, il parle aussi de Monique Armana, qui fut la responsable du centre de formation, de Philippe Boulon et d'Albert Gal, les kinés historiques (Albert Gal est aujourd'hui le kiné des Bleus, et est une des vedettes des Yeux dans les Bleus), de Sà id, le magasinier, élève du fameux et célèbre « Sacco », l'intendant historique du club.
Une famille qu'il retrouva en 1987, après un passage de quatre ans à Monaco où il perdit quelques illusions. « Après mon retour, la première année, j'avais traîné une blessure assez longtemps, mais on avait joué une demi-finale de Coupe. J'étais capitaine, bien dans ma peau. Mais la deuxième saison a été vraiment réussie. J'avais marqué quinze buts.
On avait vraiment une belle équipe, avec Kurbos, N'Dioro, Elsner, Rohr. On avait terminé à deux points de l'Europe. Il y avait du monde au stade, les gens étaient contents. » Cette bonne saison lui vaudra un transfert au PSG, où il vivra les heures les plus riches de sa carrière. Mais bien qu'il ait gagné avec Paris tous les titres nationaux (un Championnat, deux Coupes de France, une Coupe de la Ligue et une Coupe d'Europe), qu'il puisse aussi présenter sur sa carte de visite un titre de champion d'Europe avec l'équipe de France, en 1984, Daniel Bravo n'a pas accompli son rêve de jeune footballeur : « Mon grand regret, c'est de ne pas avoir gagné quelque chose avec Nice. Mon rêve, c'était de jouer un match de Coupe d'Europe avec Nice. Et je n'y suis jamais parvenu. »
ROY, LE COEUR ROUGE ET NOIR
Natif de Nice, Eric Roy y a débuté sa carrière de joueur. Aujourd'hui, à trente-cinq ans, il est de retour, pour participer à la belle aventure de ce début de saison.
Né à Nice, Eric Roy a toujours eu le Gym dans le sang. « J'avais cinq ans et j'accompagnais mon père voir jouer les Huck, Jouve, Guillou et Bjekovic. Je pleurais lorsque Dominique Baratelli encaissait un but. Les gens me donnaient des bonbons pour me réconforter. « Doumé », c'était mon idole. Ma mère m'a raconté qu'à l'époque je râlais contre mes cheveux qui n'étaient pas aussi noirs que les siens. »
Pourtant, le milieu de terrain a d'abord été, comme beaucoup d'enfants niçois, un fils du Cavigal. « J'en ai porté le maillot de six à dix-neuf ans. Je jouais avant-centre. Parallèlement, j'ai suivi le sport-études de tennis du parc Impérial, où j'ai marché dans les pas des Noah et autres Forget. Les mardis et jeudis, j'attaquais les cours à 8 heures, puis j'enchaînais les entraînements de tennis et de foot. Pierre Alonzo, le responsable de la formation de l'OGCN, m'a proposé d'intégrer le centre.
C'est un fantastique formateur, qui a réussi partout. Il ne s'est pas fié à mon parcours très atypique. Même à l'époque, il était très rare d'intégrer un club pro à dix-neuf ans. » En trois années au centre, il essaye d'emmagasiner ce que les autres apprennent dans un cursus traditionnel et débute en DH au poste de libero, tout en suivant des cours par correspondance pour décrocher son bac D. « Je m'y étais engagé auprès de mes parents. La saison suivante, je suis monté dans l'équipe de D 3.
Un groupe formidable sacré champion de France devant Auxerre. Mais, dans ce métier, il faut non seulement du talent mais aussi un peu de chance. Dans ce groupe, seuls Mazzuchetti et moi avons eu l'opportunité de faire nos preuves chez les pros.
C'est Nenad Bjekovic qui m'a mis le pied à l'étrier, le 26 novembre 1988, contre Montpellier. J'étais très fier d'être parvenu à m'imposer dans le club de ma ville. » Il y vivra un des moments forts de sa carrière : « J'ai encore des frissons à l'évocation du barrage retour contre Strasbourg. Le Ray était archicomble (NDLR : 29 mai 1990, 19 997 spectateurs). Tout s'est déroulé comme dans un rêve avec un 6-0 à la clé et le maintien parmi l'élite. Nous avons eu le bonheur de découvrir Carlos Blanchi, une personnalité hors du commun, qui avait été appelé à la rescousse pour conduire le sauvetage sportif. »
Pour l'OGC Nice, ce sauvetage ne fut qu'un sursis. « Un an plus tard, la DNCG, tout juste constituée, nous rétrogradait. On se sentait bafoués car on avait terminé 14". J'ai mis un an à faire mon deuil. Après une saison en D 2, je suis parti me relancer à Toulon, qui connaissait aussi des difficultés. Ma carrière n'a véritablement commencé qu'à Lyon. J'avais vingt-six ans.
Et dire que Titi Henry et David Trezeguet ont été champions du monde à vingt ans ! » Aujourd'hui âgé de trente-cinq ans, Eric Roy vit comme un grand bonheur le fait de revenir à Nice - où il a signé pour un an - parmi l'élite. « Comme l'0M, le Gym a une histoire mouvementée, parfois sulfureuse. Une alternance de périodes fastes et de crises. C'est aussi ce qui fait son charme.
Mais, après tant de péripéties, s'il est encore debout aujourd'hui, c'est qu'il y a réellement quelque chose derrière. » Une énergie qui a ramené le Gym au premier plan. « Je crois que les amateurs de foot sont heureux de voir cette bande de jeunes Niçois qui s'est battue pendant l'intersaison pour la survie du club, se défoncer encore pour marquer des points. Il n'y a pas de stars, ni de budget démentiel, juste des copains qui ont envie d'écrire une aventure simple et saine. »
VALENCONY L'HONNEUR RETROUVÉ
A peine arrivé de Corse, il remporte la Coupe de France. Mais le rêve devient cauchemar et l'avenir très sombre. Jusqu'à cet été...
J'ai signé un contrat de trois ans en faveur de l'OGCN à la fin du printemps 1996. Je venais de passer neuf saisons à Bastia, qui ne m'offrait qu'une prolongation d'un an. J'ignorais tout des problèmes internes du Gym, de son manque d'installations.
Le discours chaleureux et convivial du président André Bois m'a séduit. Lionel Letizi venait d'être transféré à Metz pour renflouer les caisses niçoises. Je lui ai succédé dans un groupe où régnait une ambiance formidable. On l'a pratiquement toujours préservée en dépit de toutes les secousses. »
Et il y en a eu. Bruno Valencony n'avait connu auparavant qu'une seule maison, la bastiaise, également un peu spéciale. Il manquait un peu de références, mais il a été vacciné très vite. « Durant la première saison, nous avons eu quatre entraîneurs. Albert Emon pendant quatre journées, Dominique Baratelli l'espace de quarante-huit heures, Daniel Sanchez et Silvester Takac.
La victoire en Coupe de France aux tirs au but devant Guingamp demeure un souvenir à part. Mais le drame de Furiani me hante encore et m'incite à la retenue. Au Parc des Princes, j'ai ressenti une joie fulgurante en' arrêtant le dernier tir au but, c'est vrai. Mais il était difficile d'oublier dans le même temps que nous n'avions pas été capables de nous maintenir dans l'élite. Je me suis toujours senti responsable de cette relégation et je voulais absolument ramener Nice où je l'avais trouvé. Affaire d'honneur. »
Toutes les saisons, le gardien niçois se forçait à croire que ce serait la bonne. Mais en son for intérieur, il savait bien que l'incessante valse dans les bureaux ou sur la pelouse n'offrait pas les meilleures conditions pour atteindre un tel objectif. « En décembre 1997, j'étais le seul Aiglon du onze vainqueur de Guingamp à disputer le premier tour de la Coupe. J'en ai vu défiler du monde dans ce club, la plupart songeaient plus à se remplir les poches qu'à aider le Gym à se relever.
On ne savait jamais qui on allait trouver au siège. Après Bois, j'ai eu comme président Milan Mandaric, un homme d'affaires américain, puis Francesco Sensi, qui nous a délégué trois représentants, Primo Salvi, Paolo Taveggia et Federico Pastorello, puis les Marseillais Cano, Cassone, Mouret et Toroela. C'était dur à vivre au quotidien. »
Chaque changement d'entraîneur impose une remise en question et efface les repères. Or, Nice a été dirigé en cinq ans successivement par Takac, Renquin, Takac, Zvunka, David, Damiano, David et Salvioni. « Et dire qu'à chaque fois qu'il y a eu un peu de stabilité, que ce soit avec Guy David ou avec Sandro Salvioni, les résultats ont suivi !
On commençait toujours la saison avec les recrues et on sauvait les meubles au printemps avec les anciens. » Nice entame le précédent Championnat avec un écriteau « à vendre » au fronton du club. « Les rumeurs les plus folles couraient.
Chaque jour amenait son lot de repreneurs. Sur le terrain, nous avions conservé l'ossature d'une équipe ayant surmonté une saison délicate. Pour une fois, les recrues ont été peu nombreuses mais de qualité. Et on s'est battus jusqu'à la victoire sur Istres au Ray. Tout le stade scandait : " On est en D 1 ! " Je n'oublierai jamais cette soirée. » La fête a duré vingt-quatre heures, pas une de plus !
Nice sombre alors dans le cauchemar. « Avec le recul, et au bénéfice d'un dénouement heureux le 19 juillet dernier, je pense que nous avons vécu ensemble des moments privilégiés. Je pense à notre plaidoirie devant le conseil fédéral à Lyon, à la reprise de l'entraînement devant des milliers de supporters... Quelques heures auparavant, j'étais allé m'inscrire au chômage.
Il n'y avait pas de solution en vue. Nous avons décidé d'abandonner nos primes d'accession et nous avons proposé par téléphone à Maurice Cohen et à ses partenaires de se joindre à nous. Il s'agit désormais de ne plus se cacher derrière l'équipe première mais de bâtir les fondations du club. C'est la volonté des nouveaux dirigeants. »
Jean-Michel BROCHEN et Janine GIANARA
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