Presse :
Le point du bonheur
Nice-Matin, le 28/10/2002 à 08h05
Après Strasbourg, Montpellier, Marseille, Troyes, Bastia, Lens est venu humer le nouveau parfum du Ray. Et les Nordistes européens ont compris pourquoi les Niçois de Gernot Rohr étaient toujours bien calés en haut du classement.
Cette equipe de Nice peut-elle faire plus ? Six victoires, quatre nuls et deux défaites au soir de la douzième journée, le bilan est tout simplemnent formidable pour un club condamné et reléqué il y a à peine trois mois après avoir arraché son billet pour le paradis.
Il faudrait être drôlement grincheux pour se plaindre et afficher des regrets. Et ce n'est pas le nul concédé à Lens qui a terni le paysage. Mais comme l'appétit vient aussi en mangeant, sur la côte comme ailleurs, nombreux sont ceux qui cherchent encore le petit détail qui pourrait transformer un nul en or massif en tiroir caisse à trois points !
Face à Lens, le club de Rohr a lutté avec ses armes. Elles sont maintenant connues de tous : une organisation défensive (à 11 !) impeccable. Une solidarité et un courage de tous les instants. Une envie bien au-dessus de la moyenne. Le technicien franco-allemand a d'ailleurs une philosophie bien à lui sur ce chapitre: « J'ai toujours pensé qu'il fallait travailler et développer ses points forts plutôt que de bricoler avec ses lacunes. J'en discutais l'autre jour avec Jean-Pierre Papin dans la quiétude du Cap Ferret et il partageait ce même genre d'idées. »
Cinq buts encaissés en douze matches !
Pendant que Lyon encaisse 13 buts, Marseille 15, Monaco 12, Bordeaux 12 et que l'échelle des « moins solides », s'envole jusqu'à Sedan et Strasbourg et leurs 19 buts encaissés au compteur débit, Nice bloque donc sa case débit à 5 unités dont 2 le premier jour contre Le Havre avec une équipe privée encore de Roy et secouée par la fin d'une inter-saison agitée.
« Ces chiffres sont exceptionnels », confie un Rohr qui retrouve toute proportion gardée dans ces Niçois d'aujourd'hui, un parfum du Bordeaux de ses grandes années de joueur. « Notre rigueur, notre façon de s'entraider, notre fidélité à une ligne de conduite et une idée directrice communes me plaisent. Avec ce genre de comportement, on peut espérer de belles choses dans les 26 rencontres qui restent à disputer. Face à Lens, nous avons joué notre coupe d'Europe contre une équipe qui a atteint ce niveau. Nous avons su faire face à leur engagement, leur vitesse, leur puissance et ça, c'est une grosse satisfaction. »
Même si Nice cultive le sens de la collectivité, faut-il passer sous silence la performance de José Cobos ? Pitau, Roy, Abardonado, Grégorini n'hésitent pas à lui tirer un grand coup de chapeau.
Même Rohr se risque à quelques éloges à titre individuel. « Même si je dis toujours que seul on n'est rien dans une équipe de football, je ne peux m'empêcher de penser qu'il a fait un match parfait avec une certaine élégance. Dans le geste défensif, dans la récupération du ballon, dans le duel, ce n'est pas si évident. C'est l'exemple et la signature de notre aventure qui est toute d'application, de finesse, de propreté et d'intelligence. »
Un patron offensif ?
Bien installée sur ses bases, bien calée sur ses certitudes, bien à l'aise dans ses crampons, l'équipe de Rohr peut-elle viser autre chose qu'un maintien ?
A l'heure où le mercato va s'ouvrir, où Cobos et Roy vont prolonger d'un an, où un joker est autorisé réglementairement, où l'absence de Meslin est malheureusement prévue à quelques jours près, où les sponsors se manifestent, où les tribunes se remplissent allégrement, le président Cohen et l'entraîneur Rohr peuvent-ils songer à un renfort ? « Une arrivée ne peut s'envisager qu'après un départ ! ».
Les noms de Cinetti ou Pablo Rodriguez circulent. Mais aucun des deux ne souhaite pour l'instant partir et ils veulent même gagner leur place à l'entraînement. Réaction de champions.
Mais même avec eux et en attendant aussi les importants retours d'Ayeli ou de Gagnier, les résultats font que les caisses ne sonnent plus le vide. Et cette équipe rappelant à Rohr ses années jeunesse ne mérite-t-elle pas un profil du genre Giresse qui mettrait un peu d'ordre dans cette débauche de courses et d'énergie ?
La question mérite d'être posée car la L1 d'aujourd'hui comme la D1 d'hier ne se joue pas toute l'année à l'énergie et au courage.
En attendant Nice avance toujours. Moins vite certes mais avec régularité. Kaba Diawara avec ses accents pagnolesques le remarque et renvoie les râleurs dans les cordes. « Nous, dès qu'on prend un point c'est un bon résultat. Et vous voulez que je fasse la gueule, le soir d'un 0-0 contre Lens ? Laissez-nous rêver en paix ! »
Rêver oui. Surtout quand la réalité est si douce à vivre dans un Ray comme on l'aime. Car à l'heure où certains publics cultivent et conjuguent encore violence et bêtise, les supporters niçois et les quelques centaines de Lensois ont donné une vraie leçon de fair-play et de bon-heur. C'est si beau un stade qui chante, rit et s'amuse. Qui partage et qui le fait savoir. Sur ce chapitre-là , Nice aussi est monté en première division !
« Ce Ray à 17 000, ça vaut tous les jours Bordeaux et ses 30 000 fidèles ! Applaudir ce genre de 0-0 qui était à mes yeux un très bon résultat est une preuve de vraie reconnaissance. Nos intentions sont reconnues de l'intérieur. Un autre bonheur... »
Yves MERENS
- Retour -