Interviews :
ROHR : "Nice veut réussir !"
le 19/11/2002 à 23h00
- Gernot Rohr, quel a été le programme de votre équipe depuis sa victoire à Auxerre (0-2) ?
Nous sommes partis pour un hôtel de l'aéroport d'Orly dès la fin de notre match, et là-bas, nous avons passé une soirée tranquille. Deux ou trois joueurs sont allés voir leur famille à Paris, les autres étaient assez fatigués et ils se sont reposés. Nous sommes donc restés à l'hôtel à écouter Ginés (le préparateur physique) jouer du piano et Giudicelli l'accompagner au chant.
- Vous avez savouré votre beau succès ?
Savourer, pas vraiment, mais on se détend toujours après. II le faut bien ! D'ailleurs, on choisit toujours un hôtel avec un piano.
- Vous-même avez-vous poussé la chansonnette? La tyrolienne ?
Non, moi, j'ai chanté Frère Jacques !
- Et ensuite ?
Dimanche matin, les joueurs ont pris un avion de ligne régulière pour rejoindre Nice aux alentours de midi. Je leur ai donné, comme d'habitude, repos jusqu'à mardi matin. Et moi, je suis allé passer ces deux jours du côté de Bordeaux.
- Peut-on dire que vous vous attendiez à passer une telle fin d'après-midi à l'Abbé-Deschamps ?
Je m'attends toujours à un bon match de mon équipe. Là, d'autant plus que nous avions réalisé une très bonne semaine de travail, avec des séances d'entraînement de qualité malgré la pluie qui est tombée sur Nice. Et, c'est bien connu, comme on s'entraîne, on joue ! Je ne m'attendais pas forcément à ce qu'on gagne avec ce résultat, mais je ne suis pas non plus surpris de notre match.
- Vous avez eu la possibilité de voir Auxerre le mardi précédent face au Borussia. Apparemment, vous avez su en tirer les enseignements ?
Ce soir-là, j'ai vu une grosse dépense d'énergie de cette formation d'Auxerre. Les Auxerrois ont tout donné dans cette rencontre devant un bon et solide adversaire allemand. C'est clair, on a bénéficié de certaines circonstances favorables à ce niveau. Déjà, c'était pour nous un motif d'espoir.
- Mais vous n'aviez pas vu que ça...
Dans le détail, cela m'a permis de voir l'association Cissé-Benjani. On peut dire qu'on n'a pas perdu au plan tactique. On était prêts à affronter ces deux monstres, on s'était préparés à ça. Car c'était une des clés de la rencontre. Nous les avons neutralisés, et ensuite nous avons été réalistes. Et puis, cette équipe bourguignonne doutait un peu.
- Avez-vous été surpris de la titularisation de Kapo à la place de Fadiga ?
Un peu, mais ce n'était pas un gros problème. Kapo ou Fadiga, c'est pareil. Ils jouent dans le même style, ce sont deux Blacks, gauchers, habiles techniquement.
- Même si Fadiga s'est montré plus dangereux quand il est entré ?
Peut-être, oui, mais, entre les deux, il n'y a pas de grande différence.
- Doit-on vous féliciter pour votre art du coaching ? Vos deux remplaçants sont entrés et ils ont marqué !
Non ! Disons que, samedi matin, aux toilettes, j'ai dû mettre la main gauche dans le caca ! Il y a une part de chance là-dedans, vous le savez pertinemment.
- Ce n'est toutefois pas la première fois que Nice gagne la bataille tactique.
J'avais décortiqué la cassette du match contre Rennes. Les Auxerrois jouent d'abord pour endormir le rival et mieux le contrer. Contre nous, ils n'ont pas marqué et ils ont été pris à leur propre piège. Notre victoire n'est pas due au hasard. Le style de l'AJA, on le connaît.
- Celui de Nice n'en est pas très éloigné, d'ailleurs.
C'est vrai, ça y ressemble, on peut le dire
- Comment expliquez-vous que Nice réussisse si bien à faire déjouer l'adversaire depuis le début du Championnat ?
Tactiquement, nous savons faire face aux situations, mais je constate surtout que tous nos matches sont intenses. Nous n'avons jamais été mal notés dans les journaux. On fait toujours des matches à trois ou quatre étoiles, jamais moins. Le signe qu'on produit aussi du spectacle. On met toujours de l'intensité dans ce qu'on fait. Il y a onze, quatorze joueurs qui se vident. C'est beau avoir. En plus, ils savent manipuler le ballon quand même. Voilà, c'est comme ça que nous avons réussi à annihiler la grosse Bertha.
- Mais vous avez également habilement modifié votre schéma habituel.
Oui , nous avons abandonné notre 3 5 2 pour évoluer avec Pancho en stoppeur sur Cissé ,Varrault à droite sur Lachuer ,Pamarot sur Kapo à gauche et Roy au marquage de Benjami. On s'en est bien sorti.
- Quand on regarde le talent individuel, il est davantage du coté d'Auxerre, mais cela ne vous a pas empêchés de l'emporter.
Moi, je ne peux pas le dire comme ça ! Les stars etaient de l'autre coté, d'accord. Les méxes, Cissé, Kapo ... Auxerre ce sont aussi les Sénégalais, qui ont battu la France. Maintenant, je ne peux parler de cette façons de mes joueurs. La qualité, elle est chez nous. Simplement, elle n'est pas dans le statut.
- Quand vous regardez Auxerre, vous n'avez pas le sentiment d'un talent gâché ?
Le jeu de mots va sûrement amuser Guy Roux ! Cela étant, je ne suis pas tout à fait d'accord. Auxerre n'est pas le premier à tomber devant Nice. Avant, il y a eu Lyon où il y a beaucoup de talent, et Lens. C'est pourquoi il faut relativiser. Mais, personnellement, je ne peux pas critiquer.
- Pourtant, samedi, on a noté que Nice avait rarement été en difficulté.
C'est vrai, pas beaucoup, même si Auxerre a tenté jusqu'au bout de nous surprendre... Nous avons su rester concentrés jusqu'au bout.
- Ne trouvez-vous pas que vos adversaires manquent généralement d'ambition quand ils vous affrontent ?
Ça, vous avez le droit de le dire, mais, moi, je n'ai pas à me prononcer sur ce sujet. Et puis, n'oubliez pas que les Auxerrois étaient leaders en employant la même tactique avant qu'ils ne dégringolent en Championnat et traversent une mauvaise période. Ce sont des choses qui arrivent dans le football. Contre Nice , ils sont tombés sur un os sur lequel ils se sont cassés les dents, mais après avoir tout essayé quand même.
- On dirait que cela vous gêne de parler de l'adversaire.
Non, enfin, oui
- Parlons de votre formation.Qu'est ce qui peut enrayer cette belle machine ?
Les aléas du foot ! Les blessures, les suspensions, tout ça...
- Vous ne craignez pas d'autre forme de pollution ?
Il faut être très vigilant et je le suis. Sur l'état d'esprit du groupe, sur le respect de nos valeurs, sur le jeu. Je reste à l'écoute dans cette situation inattendue, avec l'objectif de confirmer. Evidemment, nous devons garder les pieds sur terre. Je veille à ce que personne ne décolle. Le piège serait effectivement de se prendre pour d'autres. Le plus important, c'est d'éviter les excès.
- Car rien ne sera offert.
Exactement. Je crois d'ailleurs que notre prochain match contre Rennes sera plus difficile que celui face à Auxerre.
- L'avenir de votre effectif, avec tous les joueurs qui vous sont prêtés, vous y pensez déjà ?
Non, nous n'en sommes pas là. On est seulement au mois de novembre. C'est trop tôt.
- Comment arrivez-vous à maîtriser la gloire qui tombe sur votre groupe ?
Attention, je sais que tout est précaire et que ça peut aller très vite. Il y a tellement de paramètres qui entrent en ligne de compte, et ça, on ne l'ignore pas. Les agents, les sollicitations, les nouvelles exigences, dans le football-business, c'est logique. Mais nous, ce qu'on vit là c'est une saison, c'est l'exception à la chose courante. Nous allons grandir pour un an. Et seul le projet sportif compte à nos yeux. On ne va pas se laisser polluer par le reste. Les joueurs ne se laisseront pas perturber. Je les connais.
- Sur quoi vous fondez-vous pour être si optimiste ?
Pourquoi se laisseraient-ils polluer ? Ils ont maintenant le succès après lequel ils courent, tous, y compris l'entraîneur. Nous voulons récolter les fruits que nous avons semés, finir ce que nous avons commencé ensemble.
- Après ?
Après, on verra. Peut-être que ça va se disloquer la saison prochaine. En attendant, cela met encore plus de piment, d'intensité, de beauté dans ce que nous réalisons. Franchement, il n'y a pas de problème. Nous sommes tous heureux d'être là, plongés dans cette aventure, unis par l'envie d'y arriver. Voilà, tous à l'unisson, les joueurs, moi, car je ne suis pas tout seul, avec Ginès, Pionetti, Gaby Desmenez, Pancho Gonzales.
- C'est le véritable secret de votre réussite ?
Nous sommes tous animés de la même envie de réussir, personnellement et pour le club. L'histoire, pas banale, elle est là ! Il s'agit d'une grosse motivation individuelle et collective. Aujourd'hui, c'est de plus en plus dur car les riches ont les meilleurs joueurs, et si tu n'as pas de ton côté quelque chose d'exceptionnel, tu n'y arrives pas. C'est aussi pour cette raison que c'est de plus en plus rare ce qui nous arrive.
- Gernot, vous vous sentez vraiment niçois désormais ?
Oui. A Bordeaux, j'ai connu de bonnes choses, mais la c'est différent. A Nice, il y a en plus ce côté excessif , latin. Le Comté niçois, ça compte vraiment ! Nice, c'est plus loin de Paris que Bordeaux par exemple. Il y a une vraie histoire, longue, un passé. L'histoire existe dans ce club. C'est magnifique de voir l'engouement qui nous accompagne. Chez les vieux supporters, chez les jeunes. C'est tellement beau. Et puis, cette ville, ces quartiers. Tiens, il n'y a rien de plus extraordinaire que prendre un expresso au café de l'hôtel Negresco !
- Même dans votre hôtel des Pins au Cap-Ferret ?
Ah, ça aussi, c'est quelque chose de fantastique, a part qu'ici j'ai encore plus souvent le soleil.
- Ce qui vous tombe dessus, ça vous excite ?
Non, je n'ai pas besoin de ça ! Je ne vais pas changer maintenant. Vous savez, ce qui me rend heureux, c'est le plaisir de repapoter avec de vieux journalistes, de vieux copains. Vous le savez, je suis un homme de communication et je n'ai pas changé.
- Vous avez toujours le même sourire.
Et je le garderai toujours, quoi qu'il arrive!
Mardi 19 novembre 2002
© France-Football
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