Après la grande désillusion du 04 septembre (défaite des Élephants face aux Lions du Cameroun) l'Ivoirien Bakari Koné ne désarme pas. À 24 ans seulement,la vie ne fait que commencer pour lui. Une vie pleine de surprises, qui lui autorisera toutes les ambitions avec son club, Nice, mais également avec les Éléphants. Entretien avec un joueur talentueux et un jeune homme exquis.
- Vous avez été élu joueur de l'année en Ligue 2 avec Lorient. en mai 2005. Vous voilà à Nice, c'est une promotion méritée ?
Sans doute. Nice veut monter d'un cran dans la hiérarchie du football français et a fait un recrutement intéressant. J'ai été bien accueilli. Ici. j'ai l'impression d'être dans ce club depuis longtemps. C'est bon pour le moral.
- Avec Lorient, vous avez remporté le titre de meilleur buteur, quel objectif vous fixez-vous en Ligue 1 ?
Je n'ai pas d'objectif. Comme je n'en avais pas à Lorient. Un jour, j'ai dit à mon frère, en plaisantant, que je serais très content avec seulement dix buts à mon compteur. À la fin du championnat, j'en étais à 25. C'était du bonus, rien que du bonus. Il en sera de même cette saison. Il faut que Nice gagne, et peu importe que Bakari marque cinq ou vingt buts.
- En général vous inscrivez de beaux buts, c'est important la manière ?
Pas pour moi. Un but est un but ! Tout le reste n'est que littérature. Les journalistes et les fans peuvent y accorder de l'importance, mais pas l'attaquant. En ce qui me concerne, le but est le résultat d'un travail collectif. Même si l'attaquant, au bout de la chaîne, est là pour conclure Je vais vous étonner, mais j'éprouve plus de plaisir à faire marquer un coéquipier qu'à mettre moi-même le ballon au fond.
- Votre réussite réhabilite en tous les cas l'attaquant de «poche». Vous êtes l'anti-Carew (le géant Norvégien de Lyon, Ndlr) par excellence, non ?
Vous savez, je n'ai jamais fait de complexes en raison de ma petite taille. Je compense par tellement de choses !
- Par exemple ?
J'ai un mental d'acier. Je ne me démonte pas facilement. On peut dire que je suis un teigneux. Sur un terrain, je n'ai jamais laissé ma part au chien. Et même si j'évite de prendre des coups, le combat physique ne me fait pas peur. Je compense par une technique honorable et par une grande vivacité. Des « Tu ne réussira jamais dans le foot », j'en ai entendus pas mal. Vous savez, si j'avais écouté certaines personnes, j'aurais arrêté de jouer depuis longtemps.
- Ces dernières années, avez-vous croisé des hommes qui vous ont beaucoup aidé ?
Oui. Ils sont deux à qui je peux dire merci du fond du cœur : Jean-Marc Guillou, à l'Asec d'Abidjan, et Christian Gourçuff à Lorient. Ils m'ont poussé en avant. Jean-Marc a tout de suite reconnu mon talent et m'a donné ma chance. Christian a su trouver les mots et les gestes pour me remettre au travail lorsqu'il m'est arrivé de douter ou de me relâcher. Oui, j'ai eu la chance de faire de décisives et belles rencontres.
- Parlons un peu de la sélection Ivoirienne, elle était sur la route royale d'une qualification pour le Mondial 2006, et puis, vous ratez la marche face aux Lions du Cameroun, que s'est-il passé ?
Franchement, c'est un terrible faux pas. II y a des jours comme ça. Nous sommes passés à côté de l'essentiel. Nous n'avons pas su gérer le match. À deux buts partout, nous étions encore largement en course pour le Mondial. Et il y a eu ce but à une poignée de minutes de la fin. Nous avons fait preuve d'une grande naïveté. C'est impardonnable.
- D'autant qu'il y avait une énorme attente du côté d'Abidjan.
C'est pour nos formidables supporters que personnellement j'ai le plus mal. Pendant les mois précédents, nous les avions fait rêver. Puis, tout près du but, la qualification pour le Mondial, nous avons flanché. Nous aurons du mal à faire oublier un tel échec...
- Il reste un match tout de même. Mathématiquement, vous êtes encore en course. Vous n'y croyez plus ?
Bien sûr que nous jouerons notre chance jusqu'au bout. Bon, maintenant ce sont les Camerounais qui ont leur destin entre les mains. Pour nous, il faudra réunir plusieurs conditions qui ne sont pas que de notre ressort pour renverser la vapeur. Autant dire un miracle.
- Avant son échec, la Côte d'ivoire était présentée comme la nouvelle terreur du football africain. Quelles sont les forces et les faiblesses des Eléphants ?
Nous formons un vrai groupe. Il règne une ambiance formidable. Nous sommes heureux d'être ensemble. C'est une vraie famille.
- Oui, mais cela ne suffit pas à en faire une terreur ?
C'est vrai, mais cela compte lorsqu'on attaque une mission de longue durée, Il y a aussi tous ces joueurs talentueux qui jouent dans de bonnes et grandes équipes européennes. Notre groupe est cohérent.
- Question potentiel, il y a pléthore d'attaquants avec Drogba, Kalou, Dindane, etc. Cala doit être dur de gagner sa place.
Très, très dur, tellement dur, que je suis content de ne pas être à la place du sélectionneur
(Éclats de rires). Toutefois, je préfère cette situation. Elle a le merite de nous interdire le moindre relâchement.
- La Côte d'Ivoire n'a pas gagné la CAN depuis 1992. Pour celle de 2006, au Caire, vous pourriez vous offrir plus qu'un lot de consolation ?
II est clair que la CAN est depuis le début un de nos objectifs, nous la disputerons à fond. J'espère que nous saurons retenir la leçon de l'échec du 4 septembre. Et si nous gagnons le trophée, nous nous ferons, je le souhaite, par donner notre égarement par nos fans.
- Après Lorient, vous voilà installé à Nice. Vous paraissez avoir un faible pour les cités maritimes. C'est Barcelone, le prochain port d'attache ?
(Hilare).Comme vous allez vite en besogne. Ne me faites pas dire ce que je ne dis pas. Comme pour les buts, je ne me fixe aucun objectif. Et même si je suis ambitieux, je laisse faire. Je vivrai ce que le destin a prévu pour moi.
- Certains joueurs observent des rituels ou utilisent des objets fétiches avant d'entrer sur un terrain, c'est votre cas ?
Mon fétiche, c'est ma mère. Je ne me présente jamais sur un terrain avant de lui avoir passé un coup de fil. J'ai besoin d'entendre sa voix, de recevoir sa bénédiction et de lui dire ce que je ressens. Je lui parle de tout et de rien. Cela me rassure. J'en fais de même après un match.
- Ceux qui vous connaissent vous présentent comme un vrai boute-en-train. Vous confirmez ?
S'ils le disent ! Je suis quelqu'un de simple et de pacifique. J'aime partager ma joie de vivre et mes petits bonheurs avec les gens que j'apprécie. En clair, je ne me prends jamais la tête. Je suis pour le respect de certaines valeurs humaines. Je dis toujours que la vie est belle et qu'il faut en profiter.
Faycal Chehat
Continental