Antonetti : « Quand on vient du Sud... »

L'entraîneur de l'OGC Nice, Frédéric Antonetti, qui joue samedi à Metz, a fait part sur L'Equipe TV du sentiment d'injustice qui accompagne parfois son travail à la tête du club azuréen. Théoricien du «football médiatique et du football de terrain», il assure qu'un a priori défavorable pèse sur les personnes et clubs issus du Sud. Entretien franc avec technicien exigeant.

- Frédéric Antonetti, que pensez-vous de votre première moitié de saison ?
Ma réponse dépendra du résultat de Metz, samedi. Il y a eu des hauts et des bas. Parfois il y a eu des bons contenus sans qu'il y ait des résultats, parfois il y a des résultats sans bon contenu. Il faut qu'on arrive, dans la deuxième partie de la saison, à avoir des bons contenus et des bons résultats. On est dans les temps mais avec un peu plus de réussite, on aurait pu avoir quatre ou cinq points de plus.

- Etes-vous déçu ?
Je suis surtout déçu pour les joueurs parce qu'ils font beaucoup d'effort et parfois ils n'ont pas été récompensés.

- A l'intersaison, vous avez déclaré que pendant votre année sabbatique, vous avez découvert deux footballs, le football médiatique et le football de terrain. Pouvez-vous nous expliquer ?
Je ne savais pas que j'étais aussi écouté ou lu (rires)... Le football médiatique : on décrète qu'un joueur est bon, qu'un entraîneur est bon. Ça ne repose sur pas grand chose, souvent sur des affinités, du relationnel, du lobbying. Ça ne repose pas sur la réalité du terrain. Je l'oppose au football de terrain... Ce que j'ai vu comme matches, ce que j'en ai lu le lendemain dans la presse ne correspondait pas avec ce que j'avais vu. Il y a des choses qui se passent sur le terrain et puis tout ce système relationnel qui fausse peut-être la donne.

- Vous-mêmes, n'avez-vous pas l'impression de bien utiliser les médias aussi ?
Qui moi ? J'aimerais bien (rires). Je réagis à l'injustice, je reste naturel. L'Antonetti d'il y a deux ans et celui d'aujourd'hui, c'est le même, sauf que je me canalise un peu plus avec l'âge.

- Avec Rennes, vous ne vous êtes pas trop canalisé. Vous avez dit que les clubs du nord et du sud ne recevaient pas le même traitement...
Je le pense. Je le vis tous les jours. Citez-moi un homme politique du Sud qui a gouverné depuis vingt ans ? Je pense qu'il y a un à priori défavorable pour les gens du Sud. Quand, en plus, vous êtes corse, je ne vous dis pas ! Comment on appelle ça aujourd'hui ? Il y a des mots bien à la mode. Quand on vient du Sud, qu'on est un peu bronzé, ça va avec. Je pense qu'il n'y a pas d'égalité des chances.

- Qu'est-ce que ça signifie ? Que les arbitres sont malhonnêtes ?
Pas du tout. Je ne parle pas de l'arbitrage, je parle en général, du monde politique, dans tous les domaines. Pour que les gens du Sud fassent leurs preuves, il faut qu'ils le prouvent vraiment (sic). Plutôt qu'opposer le Sud au Nord, je dirais plutôt Paris. Il faut réussir à Paris. Tout transite par Paris. La France, ce n'est pas que Paris... Dernier sélectionneur du Sud en équipe de France ?

- Henri Michel
Oui, Henri Michel. Mais il a beaucoup vécu au Nord...

- Vous avez souvent parlé d'arbitrage après les matches. Ne craignez-vous pas que ça joue contre vous, contre Nice ?
J'essais de réagir à ce qui se passe. Ma réponse est non. Car je pense avoir de bonnes relations avec les arbitres. Il y a de très bons arbitres. Mais je pense que c'est inconscient : on n'arbitre pas Nice comme on arbitre certains clubs plus huppés. Ceux qui disent que ça s'équilibre, je les invite à prendre deux journées et regarder les dix-huit matches de l'OGC Nice. Ils font le point de tout ce qui s'est passé et ils me disent objectivement si ça s'équilibre... Ce que je veux par rapport à l'arbitrage, c'est qu'on arbitre ce que l'on voit. J'ai de très bons rapports avec les arbitres mais je trouve parfois qu'on n'est pas tous à égalité. Il n'y a pas que Nice. Certains profitent de leur notoriété. C'est peut-être inconscient. Les médias ont un rôle à jouer. Je suis contre l'injustice. On est vingt, que ce soit le dernier Metz ou le premier Lyon, on doit tous être sur le même pied d'égalité. Au moins sur l'arbitrage, si on ne l'est pas ailleurs. C'est vrai que quand on râle tout le temps ça peut jouer en votre défaveur. Je dis simplement à ce qui ne me croient pas : on regarde les dix-huit résumés ensemble et après chacun se fera son avis. En plus, ce n'est pas désagréable de voir jouer Nice cette année. »

Propos recueillis par Vincent COUEFF
L'Equipe