Face à des Aiglons plus conquérants et entreprenants, les Girondins de Bordeaux ont passé leur temps à réagir au lieu d'agir. Ils perdent ainsi leur premier passeport pour l'Europe
Depuis la création de la Coupe de la Ligue, les Girondins avaient pris la bonne habitude de se diriger tout droit vers la finale dès qu'ils franchissaient le stade des 8es de finale. C'était arrivé à trois reprises. Hier soir, dans un stade du Ray, à moitié vide mais chauffé à blanc, ils ont abandonné leurs espoirs de s'étreindre au Stade de France au cours d'une prolongation où l'essence a paru manquer. Mais à force de réagir au lieu d'agir lors de ce quart de finale, les hommes de Ricardo ont été logiquement sanctionnés au tableau d'affichage. Après une première période transparente, ils se sont réveillés après le repos avant de finir sur les rotules et sans cette farouche volonté d'aller au bout. Les Aiglons, eux, ont démontré plus de détermination, de hargne, de pugnacité et d'esprit d'entreprise pour décrocher leur qualification. Ils ne l'ont pas volée.
D'ailleurs, lorsque M. Sars renvoie les deux équipes méditer sur leurs lacunes et leurs mérites, on se demande si les Bordelais ont bien la coupe en tête. A l'image d'un Francia qui n'est certes pas le seul à avoir traversé cette première période avec autant de discrétion. Ce n'est donc pas étonnant si les Aiglons mènent à la marque sur un pénalty inscrit dans les ultimes secondes sur une faute de Henrique sur Bagayoko. Cet avantage au score est venu récompenser des Niçois beaucoup plus fringants et conquérants. Que ce soit ce soir ou en novembre dernier en championnat. Sur le plan de l'envie, de l'appétit, il n'y a pas photo entre les deux formations. Il est vrai que le Gym vit peut-être sa dernière chance d'illuminer sa fin de saison, compte tenu de son classement en Ligue 1.
Trop bas. La plupart du temps, les Girondins, dans leur 4-2-3-1, ont fait le dos rond, en démontrant leur habituelle maîtrise défensive. La preuve, hormis une frappe trop écrasée de Bellion (5e) et un coup franc dévié in extremis en corner de Vahirua (13e), ils n'ont jamais été mis en péril. En revanche, ils ont subi les événements face à la grinta des Niçois. Ces derniers ont su couper en deux l'équipe adverse grâce à un gros pressing, une belle performance dans la récupération et la mauvaise habitude récurrente de la défense girondine à évoluer trop bas. Résultat, les hommes au scapulaire ont bien défendu collectivement mais se sont montrés incapables d'attaquer ensemble. Si ce n'est quelques escarmouches bien timides. La coupe mérite un tout autre état d'esprit que le championnat. A l'évidence, les Girondins ne l'ont pas encore compris lorsque Ederson ouvre la marque dans un brouhaha indescriptible.
Aucun doute, Ricardo n'a pas apprécié le comportement et la prestation de sa formation. Même si les deux changements à la reprise ne sont pas forcément liés. Ainsi, Jemmali et Cheyrou sortent, Smicer et Darcheville rentrent. Deux joueurs offensifs remplacent deux joueurs défensifs. L'organisation évolue aussi. Le 4-2-3-1 est abandonné. Retour au 4-4-2 avec Laslandes et Darcheville en pointe, Alonso excentré à droite au milieu et Francia à gauche. Enfin, Faubert décroche au poste de latéral droit.
Qualité. Bordeaux présente un vrai visage offensif et la métamorphose ne tarde pas à se faire ressentir. L'équipe attaque en bloc avec le soutien nécessaire du milieu ce qui n'était pas le cas auparavant. Laslandes devient un véritable point d'appui dont l'utilité est vite mise en valeur. Après un bon travail de fixation, il décale Smicer plein axe. Ce dernier élimine deux Niçois et trompe Lloris du bout du pied droit (55e). Un petit chef-d'oeuvre dont l'international tchèque est bien parcimonieux cette saison.
Cette égalisation rapide est tout bon pour le moral et la confiance. Surtout, la partie prend une toute autre ampleur. Elle gagne en qualité, en intérêt et en spectacle. Le ballon navigue d'un but à l'autre. Sans temps mort avec un jeu toujours tourné vers l'avant. Plus personne ne gère le score ou le temps. D'ailleurs, le rythme échevelé, l'engagement total, les bonnes intentions et la farouche volonté des uns et des autres compensent largement les erreurs techniques. A un quart d'heure du dénouement, les deux formations commencent à donner quelques signes d'essoufflement. Logique au demeurant. Pourtant, les Aiglons vont retrouver un second souffle lorsque Echouafni touche du bois (82e). Sur un corner, le milieu niçois exécute une talonnade du pied droit qui achève sa course sur le même montant du but gardé par un Ramé battu.
Regret. Soutenues par un public en transe, les troupes d'Antonetti se ruent alors à l'assaut de la cage adverse. Les situations périlleuses se multiplient. Toujours en vain. Et sur un contre, Alonso fixe la défense centrale et décale Smicer à gauche. Il dribble et tire. A côté. Soulagement d'un côté, déception de l'autre. Place à la prolongation. Lavie est rentré pour apporter une meilleure assise dans l'entrejeu et Smicer, un peu trop audacieux aux côtés de Mavuba, s'est décalé sur le flanc gauche. Premier regret, le football champagne de la deuxième mi-temps a laissé place à la rigueur et la prudence. Niçois et Bordelais restent bien campés sur leur position. Les prises de risque sont réduites à la portion congrue. On ne joue que les coups sûrs.
Nice se montre néanmoins un peu plus entreprenant. Sur un centre de la gauche signé Roudet, Jurietti et Planus se trouent. Le ballon revient sur Balmont dont la frappe est détournée dans ses propres filets par Henrique (110e). Les Girondins perdent leurs nerfs et la partie s'envenime inutilement. Ramé et ses partenaires jettent leurs dernières forces dans la bataille. Mais il est trop tard. Pour se qualifier il fallait agir et non se contenter de réagir.
Alain Goujon
Sud-Ouest