Football . Les dirigeants de l’OGC Nice espèrent que la justice reviendra sur sa récente décision de suspension des travaux du « grand stade ».
Avant de recevoir Lyon (1-4), le président de l’OGC Nice, Maurice Cohen, déplorait n’avoir pu satisfaire « leur demande de mille places VIP avec restauration », en rameutant la presse, lundi dernier, suite à la décision récente du tribunal administratif de Nice de faire suspendre les travaux du « grand stade » qui venaient de commencer dans la plaine du Var, à la périphérie ouest de la cité. « Nous avons réalisé les investissements nécessaires en joueurs dans la perspective d’avoir une bonne équipe pour l’inauguration du grand stade en 2008 et nous nous trouvons maintenant en grande difficulté », soulignait-il. Alarmiste, le directeur sportif et ancien joueur Roger Ricort précisait : « Si nous n’avons pas un nouveau stade nos meilleurs joueurs vont partir et nous allons continuer à vivoter à la quinzième place du classement. » Une perspective plutôt contrariante pour les actionnaires du club rouge et noir, dont le principal, Gilbert Stellardo, ancien « patron des patrons » de l’hôtellerie niçoise, ancien adjoint (UMP ex-RPR) aux finances du maire (UMP ex-FN), Jacques Peyrat, rêvent, dans un premier temps, d’une équipe qui jouerait dans la cour européenne puis, dans la foulée, d’un club qui serait coté en Bourse. Pour réaliser ces deux objectifs et surtout le second, il est impératif que le club de football, pardon l’entreprise de spectacle OGC Nice, dispose d’un capital fixe important, pardon d’un patrimoine immobilier conséquent, qui donne confiance aux futurs petits porteurs. Comme ne manque pas de le remarquer Jean Bessi, l’un des actionnaires actuels du « Gym », « c’est bien d’avoir un gros capital joueurs mais c’est trop aléatoire ». Effectivement le béton armé ça ne répond pas aux provocations et ça ne tire pas sur la barre !
Par contre cela peut générer de la corruption. Car si l’OGC Nice est actuellement dans une mauvaise passe, c’est bien parce que le projet initial de « grand stade » qui faisait la quasi-unanimité, a capoté. Il s’agissait, en lieu et place des 18 500 sièges vétustes de l’actuel stade Léo-Lagrange, d’édifier, en 2004, une enceinte aux normes (qui depuis mars dernier sont directement appréciées par le club lui-même) et modernisée. Mais marquant à son profit contre son camp le directeur général des services de la ville, Michel Vialatte, avait faussé ce marché public contre un pot-de-vin conséquent. Maurice Cohen avait alors fait prévaloir son idée : un stade de 32 000 places assises, non pas en centre-ville, dans le quartier du Ray, mais dans le Far West niçois qu’est la plaine du Var. Aussitôt dit aussitôt entrepris par la municipalité qui cherchait à surmonter le scandale au plus vite. Avec en prime cette première en France : la gestion et l’exploitation du nouveau stade seraient entièrement privatisées ! Bien sûr, selon une technique éprouvée, cette privatisation des bénéfices s’accompagnerait d’une socialisation d’éventuelles pertes puisque la ville pourrait, en considérant ce stade comme un service public à l’égal des bus, verser une subvention de fonctionnement (estimée à 5,5 millions d’euros par an).
« Au total, estime Robert Injey, conseiller municipal communiste, l’opération grand stade pourrait coûter trois à quatre fois plus cher que la reconstruction sur place du stade du Ray estimée à 40 millions d’euros pour 22 000 sièges, ce qui serait largement suffisant. » Le nom- bre d’abonnés, bon an mal an, tourne en effet autour des cinq mille et la moyenne des spectateurs, l’an dernier, dépassait tout juste les dix mille. Cependant, les dirigeants du Gym ne veulent plus entendre parler d’une reconstruction sur place, comme l’avaient réussie les voisins italiens de la Sampdoria de Gênes à l’occasion du Mondial 1990. « Pendant deux ans au moins il nous faudrait aller jouer à l’extérieur et où trouver un terrain aux normes ? » s’interroge Maurice Cohen, qui dit avoir essuyé un refus poli de l’AS Monaco de prêter sa pelouse. « Il nous faut vite ce nouveau stade sinon nous mourrons à petit feu », martèle-t-il.
Le président de l’OGC Nice est donc en bagarre avec le conseiller municipal socialiste Jean-François Knecht qui, en mars dernier, a déposé un recours sur le fond devant le tribunal administratif de Nice, estimant, entre autres, que la directive territoriale d’aménagement (DTA) du département (dont le président du conseil général n’est autre que le ministre de... l’Aménagement du territoire) indique que la plaine du Var doit maintenir sa vocation agricole et permettre une gestion de l’espace économe. En référé, c’est le préfet Breuil qui, juste avant de quitter son poste, avait obtenu satisfaction, le 3 août dernier, en faisant suspendre les premiers travaux, le tribunal administratif relevant avec lui les carences du dossier municipal en matière de tarifications.
Gilbert Stellardo espère cependant qu’en appel, à Marseille fin septembre, la justice administrative réformera cette décision. « Sinon il restera deux solutions : soit la ville finance directement la construction du stade soit nous prenons tout en charge mais avec un projet moins ambitieux de l’ordre de 35 à 45 millions d’euros pour 27 000 places », estime l’actionnaire principal qui en tient toujours pour la plaine du Var. Non loin de là pourtant, une ville de football comme Turin envisage de rapatrier son « stade des Alpes » de la périphérie vers le centre-ville. Cela à la demande des clubs des supporters, lesquels à Nice, très attachés au « Raille », n’ont pas eu droit au chapitre.
Philippe Jérôme
L'Humanité