« Baky » Koné raconté par Christian Gourcuff

« Ma première rencontre avec Baky remonte à l'époque où j'entraînais au Qatar (lors de la saison 2002-2003, à Al-Ittihad). Je le connaissais déjà de nom, et puis, un soir, j'ai vu débarquer un petit bonhomme, qui avait l'air un peu paumé. De part la langue, on a été très proche dès le début. Au Qatar, Baky était déraciné. Il était seul, il habitait en face de chez moi, et il venait souvent à la maison. On mangeait régulièrement ensemble. À la limite, il aurait pu avoir une chambre chez moi, c'était pareil. En arrivant au Qatar, il était très jeune. Il avait besoin d'un référent. J'ai été celui-là. Les conditions ont renforcé notre complicité.

Entre nous, il y a des liens affectifs très forts. Je n'ai jamais eu de relation de la même nature avec un autre joueur. Baky est un joueur, un garçon très intelligent, mais c'est surtout quelqu'un d'une grande sensibilité, qui perçoit très bien les choses. Il ne parle pas beaucoup. Moi non plus je ne suis pas un grand communicant, mais pour échanger, il n'y a pas que la parole. Partout où il est passé, il a toujours fait l'unanimité. Les enfants notamment se reconnaissent en lui, ce n'est pas un hasard.

Au Qatar, Baky avait déjà de grosses qualités individuelles, notamment de dribbles. Mais c'est à Lorient qu'il a pris une autre dimension. Disons que sa saison au Qatar l'a préparé tactiquement. Quand il est arrivé à Lorient, il était en avance par rapport à d'autres joueurs. Pour qu'il signe ici, ça n'a pourtant pas été facile.

Après ma saison au Qatar, je suis rentré à Lorient, mais je n'avais pas encore signé de contrat avec le FCL. Baky voulait tenter sa chance en France, et il m'a rejoint. C'est d'ailleurs ma mère qui a fourni le certificat d'accueil nécessaire à sa venue. Dans un deuxième temps, je me suis engagé avec Lorient, et il est venu à l'essai. Mais il fallait encore qu'il arrive à convaincre les dirigeants du club. Ça a mis un peu de temps. On a d'ailleurs été tout près de le proposer à Pontivy ou à La Montagne. Il n'a pas été bon lors des deux premiers matches de préparation, mais il a ensuite réalisé une deuxième mi-temps exceptionnelle contre Monaco. Moi, je n'étais pas surpris de ce qu'il avait réussi ce jour-là car il faisait les mêmes choses à l'entraînement.

Baky est un joueur « très typé » physiquement. À Lorient, il a trouvé un contexte idéal pour s'exprimer. Les joueurs de talent sont ceux qui ont quelque chose en plus. Baky a des points faibles, mais il a surtout des points forts exceptionnels. Sa vitesse, ses contrôles orientés, sa capacité à faire la différence dans la surface, son jeu dos au but, son efficacité en font un joueur à part.

À Nice, il a eu du mal à trouver ses marques, mais il ne faut pas oublier qu'il a joué une demi-saison côté droit. Pour moi, sa vraie place est dans l'axe. Concernant son début de saison difficile, il subit sans doute le contre-coup de la Coupe du monde. En plus, Nice ne marche pas fort, et dans ces conditions les choses ont tendance à mal s'enchaîner. J'espère que ce soir il ne nous fera pas trop souffrir. Je ne vais pas briefer spécialement les défenseurs de l'équipe. Ses qualités, ils les connaissent.

Jouer contre quelqu'un qu'on apprécie, ce n'est pas une situation que j'aime particulièrement. Mais il faut savoir passer au-delà. Le foot, ce n'est pas la guerre. Avec Baky, on se verra après le match. Mais pas avant. Le contexte d'un match n'est pas favorable aux échanges. Se faire la bise avant le coup d'envoi, c'est de l'hypocrisie. »