Presse :
Prison : des détenus en rouge et noir
Nice-Matin, le 09/01/2003 à 07h56
En survêtement, accompagnés de Gernot Rohr, Gaby Desmenez, Pancho Gonzales, Bernard Ginès et Enrico Pionetti, ils arrivent un peu crispés. Cobos, Ayeli, Valencony, Pitau, Cherrad, Traoré, Barul, Ben Haddou et Cinetti savent qu'ils vont vivre un moment exceptionnel : pénétrer au cœur de la maison d'arrêt de Nice et affronter des détenus ballon au pied. Une visite à l'initiative de Christian Chambrin directeur de l'établissement pénitentiaire et de Jean-Pierre Buffoni, juge de l'application des peines.
Des grilles partout, d'énormes serrures, de lourdes portes, de sinistres corridors : l'atmosphère les saisit d'emblée. « Impressionnant », constate Pitau, l'air grave. En silence, ils longent des portes de cellule. Pénétrant même dans la A028, exigue, vétuste, avec trois lits. On lit de la stupeur dans leurs regards. « ça fait froid dans le dos. On sent la souffrance », lache Valencony, du bout des lèvres.
La petite troupe rouge et noire débouche dans la cour de sport. Un terrain de handball et un autre de tennis avec des panneaux de basket à ses extrémités. Ils seront refaits dans deux mois (1) mais pour l'instant, ils sont en piteux état.
« La journée de l'année »
Qu'importe. Sélectionnés parmi les cent quarante footeux de la maison d'arrêt, trente-cinq détenus attendent impatiemment les Niçois. L'un d'eux, « Pépé », a même revêtu un maillot rouge et noir dédicacé que lui avait donné Didier Angibeaud, un ancien Aiglon. « Ils ont été prévenus lundi. Depuis, ils sont excités comme des gosses à l'idée de rencontrer les joueurs de l'OGCN. Pour eux c'est la journée de l'année », confie David Barrois, un des moniteurs de sports. Sous les filins anti-hélicoptères, avec comme arrière-plan les fenêtres de la centaine de cellules des bâtiments A et B et un mirador, un tennis ballon commence. Barul, Traoré, Cobos et Ayeli d'un côté.
En face, ils sont un de plus mais aucune importance. Chaque point marqué par les détenus déclenche des cris d'enthousiasme et des encouragements : derrière les barreaux des fenêtres qui surplombent la cour de sport, des dizaines de visages. On ne veut rien perdre du spectacle...
Gernot Rohr organise un « atelier ». Un détenu slalome entre des petits plots en plastique, sollicite Gernot Rohr qui lui remise et frappe au but, avec Valencony dans la cage
Chacun y met toutes ses forces, sa hargne. Le gardien a les mains chaudes. Puis, il faut dribbler l'entraineur avant de tirer. « K », un Sénégalais musculeux, réussit un magistral passement de jambes. « Bien joué » lui lance le coach. « A la Ronaldo » lui répond radieux l'auteur du « gris-gris ».
Tous supporters
Un petit match est organisé. A vingt-deux sur un terrain de hand ! Les pros auxquels se sont joints deux détenus l'emportent 3-2, malgré le formidable enthousiasme de leurs adversaires auxquels Rohr rend hommage. « Il est bon le petit gaucher... »
Tout le monde se retrouve autour de galettes des rois. Un pot pas comme les autres. Il fait froid mais quelle chaleur ! Les Niçois n'arrêtent pas de signer les posters qu'ils ont apportés, d'être félicités...
Meilleur joueur de la maison d'arrêt, A. B savoure son plaisir. « Se retrouver face à Cobos à la place de Cissé ou Ronaldinho c'est grand ». K souligne que « les regarder à la télé et les avoir en face de soi, ce n'est pas pareil. » et crie « Allez Nice ». Issa s'adresse à Ayeli : « Serge, la prochaine fois que tu marques, inscrit 129 sur ton maillot. C'est le numéro de ma cellule ».
Au pied du bâtiment A, Cobos accroche un poster dédicacé au bout d'une ficelle lancée depuis une cellule du premier étage. Belle image.
Après deux heures d'évasion, les détenus regagnent leurs cellules. Pour se diriger vers la sortie, Joueurs et entraineurs niçois repassent devant les « promenades », sortes d'enclos délimités par de hauts barreaux, des murs et un grillage à plusieurs mètres du sol. On dirait des grandes cages de zoo.
A leur passage, des détenus les remercient d'être venus, les encouragent. « Accrochez-vous à votre deuxième place ! Et battez Lille samedi ! ».
(1) La réfection des terrains (36 000 Û) sera financée par le Conseil régional, l'ASDASS, la maison d'arrêt et la Ville de Nice.
Jean CHAUSSIER.
Jeudi 09 Janvier 2003
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