Pourtant habituées aux confrontations tendues, parfois violentes, plusieurs associations de supporters "ultras" de toute la France se sont entendues, de manière exceptionnelle, pour défendre ensemble "la survie des tribunes populaires". A l'occasion de la dernière journée de la Ligue 1, samedi 17 mai, les principaux clubs de supporters "ultras" ont prévu d'organiser deux manifestations, à Lens et à Nice, pour dénoncer les politiques de "répression" et, plus largement, l'évolution du football professionnel.
Ces supporteurs réagissent après la série de sanctions qui ont frappé des associations, notamment des interdictions de stade et la dissolution des Boulogne Boys, mis en cause dans l'affaire de la banderole du match PSG-Lens au Stade de France le 29 mars. Ils condamnent en particulier des "peines alourdies pour les fans de football" et des "sanctions pénales disproportionnées" prises après les derniers incidents dans des stades à Metz, Bastia, Paris ou Nice.
Mais leurs tracts font aussi état de revendications plus globales sur le "football moderne". Les associations craignent en effet que le "football business" amène les clubs à réduire la dimension "populaire" des stades. En particulier en augmentant le prix des places ou des abonnements, selon le modèle suivi par l'Angleterre pour mettre fin au hooliganisme et augmenter les recettes des clubs.
DÉSIR DE "RESPECTABILITÉ"
"Ces supporteurs se sentent de plus en plus exclus du football. Ils constatent que leur sport est en train de changer radicalement, notamment parce que les responsables de clubs veulent transformer les stades, avec des restaurants ou des centres commerciaux, et faire évoluer le public, avec moins de supporters remuants et plus de femmes et d'enfants", explique Dominique Bodin, sociologue à l'université de Rennes-II.
Le fait que la dernière journée de championnat soit décisive pour un grand nombre de clubs réduit les possibilités de déplacements de supporteurs. A Nice, les organisateurs, notamment la Brigade Sud Nice (BSN), espèrent toutefois un minimum de 1 500 manifestants, dont des "ultras" de Monaco, de Marseille voire d'Italie. La police table, elle, sur 500 supporteurs. Par précaution, des renforts ont été prévus, mais le fait que les associations mettent en avant, pour ce rassemblement, leur désir de "respectabilité" est jugé "rassurant", selon une source policière.
A Lens, les organisateurs n'ont pas donné d'indications sur le nombre de manifestants attendus. Mais dans un courrier envoyé au préfet du Pas-de-Calais pour demander l'annulation du rassemblement, le maire de Lens, Guy Delcourt a évoqué un défilé de "600 à 1 000 supporters". Le préfet a refusé d'interdire la manifestation, en arguant qu'aucun indice ne permettait de prévoir d'éventuels troubles à l'ordre public.
En revanche, le contexte est jugé plus inquiétant pour le match Sochaux-PSG, décisif pour le maintien du club parisien en L1. En cas de relégation en Ligue 2, les autorités craignent des incidents provoqués par des supporteurs "indépendants" ou d'anciens membres des Boulogne Boys. Des moyens de sécurité "conséquents" ont été mobilisés par la préfecture, avec un total de 400 policiers appuyés par un hélicoptère de la gendarmerie.
Luc Bronner
Le Monde