Impressionnants de maîtrise pendant quatre-vingt-quatre minutes, les Girondins ont laissé filer une victoire qui leur aurait permis de revenir à un point de l'Olympique Lyonnais
C'est le genre de scénario qui fait la beauté du football et, si l'on se place du point de vue bordelais aujourd'hui, aussi sa cruauté. Les Girondins regretteront peut-être longtemps cette fin de match, hier soir à Nice, où en dix grosses minutes, les dernières, ils ont dilapidé deux points qui leur tendaient les bras.
Jusqu'à la 84e minute, les hommes de Laurent Blanc ont maîtrisé leur sujet comme jamais cette saison face à une équipe de Nice réduite au rang de simple compagnon de jeu. Sauf que tout ce bel édifice s'est subitement écroulé sous le triple effet du relâchement girondin, de deux décisions très litigieuses de M. Chapron et de la révolte de Niçois dont le principal mérite, hier soir, fut d'y croire jusqu'au bout.
Résultat : l'occasion de réduire l'écart avec le leader lyonnais, accroché à Auxerre (0-0), à un point et de monter sur la deuxième marche du podium pour la première fois de la saison - en attendant le résultat de Marseille - Paris SG ce soir - s'est envolé.
Relâchement coupable.
Les Bordelais ont repris l'avion dans la nuit frustrés et en colère, d'abord contre eux-mêmes. Car, avant de laisser éclater sa fureur contre l'arbitrage (lire en page 3), Marc Planus n'oubliait pas de nettoyer devant la porte de son équipe : « À 2-0, on a la maîtrise du match et les occasions pour le "tuer". Si on n'est pas capables de tenir un résultat dans ces conditions, c'est qu'il y a un problème quelque part. On était bien dans la partie, peut-être trop, et on s'est relâchés. C'est inacceptable ». « On a eu la possibilité d'inscrire un troisième but, notait son entraîneur Laurent Blanc, avec beaucoup de calme. On ne l'a pas fait, Nice y a toujours cru. J'espère qu'à l'avenir, si ce genre de scénario se représente, on saura retenir la leçon ».
C'est d'autant plus regrettable que jusque-là , les Girondins s'étaient promenés sur la pelouse du stade du Ray. Ils avaient inscrit un but dans le premier quart d'heure de chaque mi-temps, par Wendel sur coup franc et Cavenaghi sur penalty (lire par ailleurs), et survolé la rencontre techniquement, tactiquem ent et athlétiquement. C'est ce que Blanc retenait dans l'analyse globale de la prestation de son équipe. « Je suis déçu du score mais pas du contenu. Bordeaux a affiché de nets progrès dans le jeu. On a mis cette équipe de Nice en grande difficulté ».
Gourcuff sur le banc.
Le tout appuyé sur une cohésion et une assise tactique remarquables alors qu'il avait choisi de changer cinq des onze jours qui avaient débuté mercredi contre Cluj. Et osé placer pour la première fois de la saison, comme il l'avait laissé entendre dans la semaine (lire notre édition de vendredi), Yoann Gourcuff sur le banc de touche, en compagnie de son autre international, Alou Diarra.
Du coup, Blanc était revenu à un système à deux attaquants (Cavenaghi et Chamakh) tout en gardant deux milieux devant la défense (Fernando et Ducasse). Avant de revenir au 4-2-3-1 de ces dernières semaines au moment de (re) lancer Gourcuff à vingt-cinq minutes de la fin.
Quel que soit le dispositif en place, la machine bordelaise avait paru parfaitement huilée jusqu'au « bug » de la fin de match. « La rotation des joueurs fait partie des points positifs, soulignait Blanc. Les joueurs entrés en jeu ont apporté leur fraîcheur et permis à d'autres de se reposer. Le scénario aurait été parfait si la victoire avait été au bout ». Une nuance qui coûte deux très gros points.
« Inadmissible »
Les erreurs d'arbitrage, dit-on, finissent toujours par s'équilibrer en fin de saison. Hier soir, les Niçois ont peut-être enfin fait le deuil de la grande injustice qu'ils avaient endurée face à l'Olympique Lyonnais le 13 septembre dernier (2-3). Car cette fois, le scandale leur a été favorable.
Un scandale ? Un peu plus même, à en croire quelques joueurs bordelais à la sortie des vestiaires. Marc Planus et Souleymane Diawara sont sortis en tête, sac sur l'épaule, colère en bandoulière. Les deux défenseurs centraux, impeccables durant toute la rencontre, étaient aux premières loges pour assister aux deux buts niçois de Mouloungi et Rémy (sur penalty) qui ont finalement ruiné une soirée idéalement entamée.
« Des résultats aléatoires ».
Passées les politesses d'usage sur la « grande déception de laisser passer une belle occasion », Marc Planus a dégainé, furax ! « Ok. On va se remettre en question, car on s'est sans doute trop relâché en fin de match. Mais on n'a quand même pris deux buts qui n'étaient pas valables ! Sur celui de Mouloungi, c'est simple : on avait décidé de monter sur le corner pour mettre les Niçois hors-jeu. Mouloungi aurait dû être sifflé, mais l'arbitre ne l'a pas vu... Quant au penalty qu'il siffle sur Pierre (Ducasse), son bras est le long du corps... Franchement, un tel arbitrage est inadmissible. Tant que le samedi soir, on aura des trios comme ça, les résultats du football français seront aléatoires. Vous vous rendez compte ? On demande à des jeunes de 18 ans de ne pas craquer sous la pression, et eux, à 35 ans, n'en sont même pas capables. »
À deux pas, Laurent Blanc a fait comme si de rien n'était. Le coach bordelais, plus flegmatique que jamais, n'a pas voulu en rajouter : «ça ne sert à rien de s'énerver quand le match est terminé. Gardons notre énergie pour la réception du Havre mardi soir.» Pas énervé Laurent Blanc ? «Disons qu'à l'extérieur ça va, mais à l'intérieur c'est plus dur...»
« Sang-froid ».
Pendant ce temps, ses joueurs avaient plus de mal à masquer leurs émotions, n'en revenant pas de finir aussi mal une semaine qui s'annonçait parfaite. « Non, on ne peut pas être content, même si l'on ramène un point, soupirait ainsi Diawara, au bord des larmes, avant d'exploser face une question d'un journaliste. « Mais bien sûr que c'est une injustice. Ce n'est pas possible de se faire siffler un penalty imaginaire à 30 secondes de la fin ! Je ne comprends pas comment l'arbitre a pu faire ça. Peut-être qu'il a cédé sous la pression du public, du stade ou des dirigeants... » Toujours aussi agacé, Marc Planus a finalement rejoint le bus qui devait conduire les joueurs bordelais vers l'aéroport. « Finalement, tout n'est pas si négatif, nous avons au moins réussi à ne pas perdre notre sang-froid sur le terrain. Cela aurait pu nous coûter plus cher encore... »
Frédéric Laharie
Sud-Ouest