Samedi 6 décembre, l'affiche de la 17e journée de Ligue 1 opposera Marseille et Nice. Le troisième contre le quatrième. L'OM, c'est dans l'ordre des choses, mais l'OGCN (Olympique gymnaste club de Nice) ? Avec un match en retard, le 10 décembre à domicile contre Grenoble, les Niçois sont même potentiellement dauphins de Lyon. Les supporters du stade du Ray peuvent chanter l'hymne niçois : Nissa La Bella.
Dans OGC Nice Mag, l'éditorialiste Bernard Morlino ironise : "Cette fois, personne n'a dit que les journaux ont publié le classement à l'envers". Puis poétise : "Ces résultats découlent d'une nappe phréatique, comme celle qui alimente la Vésubie."
Le géologue en chef se nomme Frédéric Antonetti. Il est entraîneur et incontestable depuis son arrivée en 2005 car tenu pour le principal artisan des belles années que vivent les Aiglons - deux huitièmes places - même si le cercle vertueux débute dès 2002. Nice, alors, revient de loin : dépôt de bilan en 1991, descente en deuxième division en 1997 (le club gagne en même temps la Coupe de France), menaces sportives puis administrative de rétrogradation en National, la troisième division.
Précédé d'une réputation de Corse caractériel, Antonetti est célèbre pour ses harangues aiguës captées par les micros des télévisions. "C'est une caricature qui m'a porté tort, conteste-t-il. On a dit que j'étais trop colérique, qu'on ne pouvait pas travailler avec moi."
Pour expliquer son succès, le coach emploie au contraire un langage pacifiste, vante des binômes comme "harmonie et confiance" ou "continuité et stabilité". "L'atmosphère est paisible et apaisée. Mais il faudrait me reposer la question quand on sera quinzième. Pour autant, "la thèse de l'heureux accident est récusée :" Je me suis amusé à faire le total des points des classements de Ligue 1 depuis que je suis arrivé. Nice est 6e. Je pensais qu'on était 12e."
"UN MÉTIER DE PÉDAGOGUE"
Avant, Antonetti avait accompli des miracles à Saint-Etienne quand le club était lui aussi au bord du National. Encore avant, il y eut Bastia et une expérience courte mais constructive au Gamba Osaka, au Japon. "Comment faire passer son message alors que les garçons ne me comprenaient pas ? J'ai compris que c'est un métier de pédagogue." Devenu un grand utilisateur de vidéo, Antonetti dit avoir "appris à être patient avec les joueurs" : "On en a de plus en plus qui viennent d'Afrique et d'Amérique du Sud et on leur demande trop, trop vite. Au Japon, j'étais déboussolé les six premiers mois..."
Sur la pelouse, Nice fait montre d'un réalisme qui semble importé de l'Italie voisine, les "Noir et Rouge" ne portant pas pour rien les mêmes couleurs que le Milan AC. L'arme fatale est le contre, legs de la culture bastiaise d'Antonetti. Contrairement aux prévisions, le collectif n'a pas été perturbé par les départs à l'intersaison de quatre éléments essentiels - dont le gardien des Bleus Hugo Lloris et l'Ivoirien Bakary Koné que ses anciens coéquipiers devraient affronter au Vélodrome.
L'OGCN continue de marcher sur deux jambes en faisant un écart générationnel. D'un côté, des jeunes, de l'autre des grognards comme le capitaine Olivier Echouafni (36 ans), Lionel Letizi, Vincent Hognon ou le collectionneur de cartons rouges Cyril Rool. "On prend des anciens qu'on connaît bien, explique Antonetti, ou des joueurs en difficulté comme Emerse Faé qui s'était perdu à Reading."
On retrouve aussi d'anciens joueurs dans l'organigramme du club comme Eric Roy, le directeur du développement. Ce diplômé en management de club sportif professionnel planche sur le nouveau stade prévu en 2013 dans la plaine du Var, dont le coût est évalué à 100 millions d'euros. Candidate aux Jeux olympiques d'hiver de 2018, Nice l'est aussi pour l'Euro de 2016. Plus que les discours prudents d'Antonetti, ce projet donne la mesure des ambitions niçoises, "pour que demain on puisse jouer dans la cour des grands" avec "un centre d'entraînement privatif", ajoute Roy. Les joueurs font toujours leur décrassage au parc Charles-Ehrmann, en lisière de la bruyante route de Grenoble, sur des terrains ouverts aux quatre vents.
Bruno Lesprit
Le Monde