Entretients journalistiques

Certains journalistes ont des stratégies précises de divulgations d’informations honteusement tronquées.
Le journalisme n'est pas que de l’information. Par sa dimension populaire, il intéresse ceux qui cherchent à abuser de leur pouvoir de diffusion pour lancer des taupes, des rumeurs. Dans certains quotidiens, la logique économique et le besoin de reconnaissance prennent le pas sur la réalité des informations. Monseigneur vous propose une plongée dans ce monde souvent souterrain, mais de moins en moins marginalisé.


PARIS. 23 MARS DERNIER.

Un dimanche. Sur le boulevard ST Germain à Paris, le café le Flore ressemble à une place forte grouillante où les odeurs de cigare, d'alcool et d’aisselles s'élèvent au milieu des klaxons, et du brouhaha incessant des voitures déboulant à grande vitesse pour éviter les feux rouges.

La terrasse offre une vue unique: elle donne sur la vie estudiantine parisienne où les jeunes européennes déambulent le sac à dos et la tête pleine de connaissances. Ces deux mondes se mêlent mais il suffirait d'une étincelle comme le passage d’une mini jupe pour susciter sifflets et autres réflexions graveleuse à caractère sexuel.

A quelques minutes du départ du tiercé quinte plus à Auteuil, dans la chaleur du bar, la pression monte chez les consommateurs autant qu'elle descend dans les verres. Grand, fort et parfois drôle, « Octopussy » une figure du quotidien « Le poulet ficelé » présente au novice que je suis un homme d'allure quelconque qui vient saluer : « Lui, c'est notre héros. Avec ses reportages hebdomadaires sur l’insécurité dans les banlieues, il a contribué à l’arrivée au second tour de Jean Marie LEPEN au dernière élections». La tablée qui compte quelques quinquagénaires sourit, l'individu aussi qui confirme « Ouaip p’tit gars. Fallait qu’on fasse en sorte que Chirac repasse sans problèmes. En montrant des sauvageons de couleur foutrent le bordel, on se doutait bien que les petits vieux de France allaient flipper pour leur porte monnaie ( …) le plus dur était ensuite de détruire ce que nous avions construit pour garder notre place ». De l’indépendance de la presse ? « Hey gus ! Je t’explique, je travaille à France 2 et c’est l’Etat qui me paye ! ». Scène ordinaire d'un univers rarement décrit de l'intérieur.

Dans ce monde rigolard, quelques fois sympathique, je comprends vite que les « scoops » sont associés à une manne financière énorme. L’un deux prend le temps de m’expliquer, il est rédacteur en chef de « Panam Partie » : « tu as chaque jour des tonnes d’info plus ou moins vérifiables, le tout est de choper celle(s) qui vont te faire augmenter ton chiffre d’affaire, le mieux pour cela, c’est encore la guerre avec des images chocs. De toutes les façons, les morts c’est ce qui rapporte le plus. Le spécial qui a suivi la mort de Brel nous a fait grimper les ventes au delà de nos espérances. L’argent rentre, on est une entreprise mec ! Avec une putain de concurrence. Faut que tu files le sensationnel aux gens sinon tu creves ! Non, vraiment la mort et les guerres sont de vraies poules aux œufs d’or ! ».

Faces aux mêmes discours, Monseigneur décide de se lancer dans une autre forme de presse : La presse sportive. Assis, ventripotent, la bière fraîche à la main, la clope au bec, « Mémez » comme il se plait à s’appeler lui même bosse pour le seul quotidien sportif national « Le groupe ». Il n’est pas très loquace, un peu renfermé mais devient intarissable dès que l’on touche à son job.

« Tu vois, nous au départ, on a que des résultats. Pas facile de faire du chiffre dans ces cas la, surtout que les médias de la télévision montrent quasiment en temps réel les images. A la suite d’une réunion de travail, nous avons décidé de faire comme nos confrères de l’information générale, les « enquêtes à scandale ». Mais attention, c’est pas tout le temps payant on peut perdre toute notre crédibilité ! Tu vois moi j’ai failli passer à la trappe. Et pourtant c’était du billard. J’ai fait une cabale contre un sélectionneur et ce con la est allé gagner la coupe du monde ! ! Tout bonnement incroyable. Je m’en suis sorti mais j’ai eu chaud aux miches, heureusement les gens ont la mémoire courte ! »

Il me présente un jeune plein d’avenir selon lui. « Cabron », nom à prononcer à l’espagnole.
« Lui, c’est une perle ! Il n’y comprend rien à la politique, il confond un indépendantiste franc maçon du 19eme siècle avec un fasciste moderne » s’exclaffe-t-il ! entre deux gorgées de bière il reprend « comme nous il ne sait pas enchaîner 3 jongles, ne connaît aucune autre tactique que le WM, mais il note quand même des professionnels ! C’est un peu comme si un analphabète jugeait les écrits de Rimbaud tu vois ! ! ».

Cabron me fixe, un sourire figé. Pour en savoir plus, je m’attable avec lui. Il me parle de la nouvelle vague du journalisme sportif. « Mon créneau à moi, c’est la calomnie… Comme disait Beaumarchais à travers Figaro, vous ne savez guère ce que vous dédaignez, j’ai vu les plus honnêtes gens près d’en être accablé ! ». Devant ma surprise, il reprend : « Tu vois on est la pour donner une image à la populace, qui va boire nos écrits comme une liqueur divine. Dans le foot, on leur colle des clichés : les italiens sont des tricheurs, les tunisiens n’ont pas l’étoffe pour arbitrer les rencontres internationales, les anglais sont des battants, les francais sont les brésiliens de l’Europe, les brésiliens sont des génies… Comme notre quotidien n’a pas d’équivalent sur ce territoire, on fait ce qu’on veut : On te fait une star d’un joueur qui fait une talonnade, on te le détruit s’il ne joue pas le jeu ou si on sent l’opinion qui se lasse. Mon dernier job a été difficile à réaliser au niveau du choix du sujet mais incroyablement facile à mettre en place par la suite. »
Il me fait lire, l’air satisfait les prémices de son « enquête ».

Il reprend « Je t’explique, au début de saison, je n’aurais pas misé un cent sur l’équipe de Nice. Elle commence la saison de manière remarquable, c’est la révélation et la les papiers se vendent. Elle plait à l’ensemble de la France par son abnégation. Mais bon, le sujet n’est pas intarissable, et puis ceux qui nous font vivre et qui nous filent des pass pour la ligue des champions commençaient à se faire du soucis quant à l’issus du championnat. Donc on a commencé par prendre deux de leurs meilleurs éléments et on a fait passer leur « grinta » qui amenait un coup de fraîcheur en début de saison pour des agressions caractérisées. Ca a presque marché dis donc ! ! ! Pourtant on avait mis le paquet… Et puis cette équipe a baissé le pied, plus rien à écrire sur eux concernant la fin de saison alors je me suis lâché, ils n’avaient qu ‘à faire comme les années précédentes, se faire torpiller par la DNCG après tout ».

Il reçoit enfin son croque monsieur, et le déguste.

Sur quoi vous êtes vous basé pour cet article ?
Ah mais sur rien du tout rigole - t-il franchement ! Je marque mon étonnement.

« On voit bien que vous êtes novices vous ! ! … Bon, en France, depuis les années vertes on ne touche pas à St Etienne, Marseille s’est du réchauffé à présent, Lyon est au pouvoir, à Monaco il n’y a personne etc… On détermine que les lensois sont les meilleurs supporters. On n’y touche pas ! A Auxerre Guy ROUX est une figure emblématique et peut déblatérer les conneries qu’il veut. A Nice par contre… » il marque un temps. « Y avait moyen de faire quelque chose ! Comme le club s’est acheté une conduite et que le titre « la salade niçoise » est déposé et protégé à l’INPI je suis donc allé voir les supporters les plus connus et respectés de la ville. Le FN ayant fait 30% le raccourcis était simple. Dans les tribunes se mélange tout le monde, rien ne vous dit que dans les loges du Parc des Princes il n’y a pas 3 pédophiles, 18 partouzeurs, 25 escorteurs ok ? On se fout royalement de ce que sont ces gens dans la vie de tous les jours. Il y a de tout, de l’écologiste au royaliste, en passant par le fasciste et le Troskiste. J’ai trouvé 5 éxités sur les 1500 que compte le groupe de supporter et j’ai fait passer tout le monde pour des joyeux racistes primaires et fiers de l’être. C’etait ça mon idée de génie. De toutes les façons je ne pouvais pas prendre 5 zoophiles car j’ai un pote qui sort bientôt un article sur les employés de la SPA, les révolutionnaires tout le monde s’en branle, les pédophiles sont réservés aux profs et au clergé et les gays ont la cote en ce moment. Ceux à qui j’ai parlé n’ont pas de carte d’adhérent, ne sont pas impliqués dans l’association des supporters du virage mais ça, je m’en contrefous, ils chantent en Niçois ? Ca prouve qu’ils sont embrigadés, ils font les mêmes gestuelles que les autres supporters de France ? Pas grave, chez eux cela sera le salut nazis et puis pour appuyer mes dires je balance le coup des cris de singes ! il sera bien temps de faire un petit encarté dans un coin que personne ne lira pour s’excuser publiquement. Et puis je me suis renseigné, leur statut n’étant pas reconnu comme tel, ils auront du mal à poursuivre le journal en justice. Pas con le Cabron nan ? » me lâche – t-il dans un clin d’œil.

La désinformation dans tout ça ? « Tout ce que veulent les gens c’est de la pourriture dont ils sont avides, « mieux que de la confiture à des cochons » comme dit le chanteur du groupe « envie sombre » qui d’ailleurs au départ est une femme ! ». Monseigneur reste perplexe… « Vous allez me dire que ce que j’avance sur lui est calomnie c’est ça ? ben faut qu’il le prouve ! ! » Je lui fais remarqué qu’en se mettant nu il pourrait aisément montrer que son affirmation est infondée. « Dans ce cas la, je n’aurais qu’à dire que cela a été bien réalisé et que la chirurgie esthétique a fait d’immense progrès »

J’en reviens à sa trouvaille et lui fait remarquer que c’est tout l’honneur d’une ville et d’un club qui y est sali, sa réponse fuse : « Comme disent les bouddhistes : Dans l’cul lulu ! »

Vous êtes sur que…? Il sourit… « Ok c’est à moi de prouver le contraire !

LE METIER RENTRE PETIT hurle-t-il !

Ainsi tourne la planète journalistiques, en France, vue de ce coté de la lorgnette. Rien de visible, de défini vraiment ou de transparent dans cette actualité qui n’est pas seulement rythmée par les informations, mais qu’il ne faudra par pour autant sous-estimer.

Mgr Malphas