Le nouvel entraîneur de l'OGC Nice, de nationalité suisse, va découvrir la Ligue 1 après s'être distingué en Bundesliga. Entretien.
Depuis 2007, Lucien Favre s'est forgé une solide réputation d'entraîneur en obtenant de bons résultats avec le Hertha Berlin et le Borussia Mönchengladbach. Josep Guardiola lui-même, qui a croisé sa route en Bundesliga, l'a encensé en septembre 2015 : « J'ai le plus grand respect pour Lucien Favre. C'est un des meilleurs entraîneurs que j'ai rencontrés. » La Ligue 1 va faire sa connaissance cette année puisque Lucien Favre a succédé à Claude Puel en mai dernier sur le banc de l'OGC Nice. Le Point.fr est allé à sa rencontre. Interview.
- Quel bilan global tirez-vous de ces premiers matches amicaux ?
Il est encore trop tôt pour tirer des conclusions. Beaucoup de joueurs sont revenus de prêt (Eysseric, Rougeaux, Constant, Rafetraniaina, Vercauteren, Benrahma) et je ne les connaissais pas du tout. Ces matches de préparation m'ont permis de les découvrir. Mais l'effectif manque encore d'automatismes, et cela s'est vu contre Toulouse vendredi dernier et Naples lundi. On commence à travailler sur la vivacité, la vitesse, la tactique et on fait un peu moins de physique qu'au début.
- La Coupe d'Europe a-t-elle influé sur la préparation physique ?
Oui, car il faut préparer l'équipe à ce qu'elle joue tous les trois jours avec, notamment, des rencontres le jeudi soir et peut-être des longs déplacements jusqu'en Asie centrale. Mais le vrai changement pour moi, dans ma manière de travailler, c'est l'absence d'une vraie trêve hivernale comme en Allemagne, où l'on s'arrête un mois. Je pouvais, durant ce laps de temps, refaire une préparation physique de l'effectif pour les matches du printemps. En France, la trêve hivernale se limite aux fêtes de fin d'année.
- Êtes-vous confiant pour bien figurer cette saison ?
Oui, car les joueurs du Gym ont une grosse marge de progression. Certes, la colonne vertébrale de l'équipe de la saison dernière n'est plus là . Nampalys Mendy, Hatem Ben Arfa et Valère Germain sont partis, Maxime Le Marchand est blessé jusqu'à l'hiver prochain. Cette pré-saison est un chantier, mais Nice possède un effectif intéressant de joueurs en devenir. Le centre de formation est de grande qualité. Vincent Koziello et Olivier Boscagli s'illustrent depuis la saison dernière. Malang Saar et Vincent Marcel intègrent l'équipe première cette saison. Les recrues comme Lusamba, Cyprien, Donis sont de vraies plus-values. À long terme, mon travail sera de stabiliser le Gym en haut du classement. Cela passe par la régularité des performances.
- Nice va-t-il modifier son style de jeu ?
Je ne vais pas tout chambouler non plus. L'OGC Nice ne va pas changer sa manière de jouer du jour au lendemain, son style va perdurer. Mais je réfléchis aussi à la pertinence du maintien en 4-4-2, vu que Ben Arfa n'est plus là . Et je suis avant tout un pragmatique ; je n'aime pas que mon équipe soit enfermée dans un schéma. Je veux que mes joueurs s'adaptent au contexte. Parfois, elle devra presser haut ; pour d'autres matches, elle devra évoluer plus bas sur le terrain.
- Vous ne semblez pas du tout figé d'un point de vue tactique…
(Il coupe) Pas du tout. J'ai toujours choisi le système en fonction des footballeurs que j'avais à ma disposition. Pour moi, l'adaptation est l'une des règles essentielles. Je ne connais pas d'entraîneur qui soit Harry Potter. Nous ne sommes pas des magiciens ! Regardez l'Italie à l'Euro 2016 : Antonio Conte a mis ses joueurs dans les meilleures conditions en fonction de leur pedigree. Opter pour la défense à trois était essentiel pour la Squadra Azzura, avec son trio défensif Bonucci-Barzagli-Chiellini de la Juventus. Il n'avait pas le choix. Seuls les très grands clubs peuvent se permettre d'avoir une tactique rodée et stable. Et encore... ces entraîneurs doivent peaufiner eux aussi leur dispositif dès qu'un joueur se blesse. Défense à trois, défense à quatre, je n'ai pas de préférence. À Yverdon, je faisais évoluer mon équipe en 3-5-2. J'avais cinq Brésiliens dans mon effectif, ça jouait bien au foot, c'était magnifique. On nous surnommait Yverdonzinho, et nous sommes montés en Division 1. Au FC Zurich, l'équipe jouait avec deux meneurs de jeu, pas d'ailiers et une défense à quatre. À Gladbach, je pouvais changer de tactique au bout de dix minutes de jeu !
- Mais vous avez quand même certaines habitudes de jeu, non ?
Oui, mais pas dans les schémas tactiques, davantage dans les situations de jeu. Le mouvement permanent est une vision que j'affectionne, avec la vitesse comme élément moteur. Tout va plus vite dans le monde, Internet, les trains, les voitures... Il n'y a pas de raison que le football échappe à cette tendance. J'aime aussi que mon équipe sorte le ballon de manière propre et j'encourage à ce qu'elle soit souvent en situation de surnombre en phase offensive.
- À vous entendre, on pourrait penser que vous êtes un fan de la contre-attaque...
Mais ça peut être très beau une équipe qui joue en contre, si c'est bien fait. Le public adore cette façon de jouer. Il ne s'agit pas non plus de se barricader derrière, mais de défendre honnêtement et intelligemment. J'exige que mon équipe soit capable de posséder le ballon, mais aussi de mener des attaques rapides. Je veux qu'elle soit capable de s'adapter selon qu'elle joue une petite équipe ou une grosse cylindrée.
- Comment cette vocation d'entraîneur est-elle venue chez vous ?
Dès que j'ai été joueur, je me suis intéressé à la tactique. Trois, quatre ans avant de prendre sa retraite de footballeur, on pense à sa reconversion. J'ai commencé à entraîner les juniors à Echallens et j'ai trouvé cela très enrichissant. Faire progresser mes joueurs sur le plan individuel me plaisait. Et cela tombe bien, parce que c'est la base du métier d'entraîneur, de faire progresser ses joueurs. À tout âge…
- Quelle est votre référence dans ce domaine ?
Le modèle de réussite à ce niveau, c'est Alex Ferguson à Manchester United, quand il obtient des résultats dans les années 1990-2000 avec une génération issue du centre de formation (Giggs, les frères Neville, Beckham, Scholes, Butt…). On parle aujourd'hui beaucoup de la puissance financière de ce club. Mais c'est grâce à ses joueurs formés au club qu'il a acquis cette renommée mondiale. Le travail de scouting (recrutement) a été de très grande qualité pour dénicher ces pépites, car il n'est pas vraiment pas facile de savoir si des jeunes talentueux vont être aptes pour le haut niveau quand ils ont 15 ans.
Propos recueillis par Alexandre Borde
Le Point