Presse :
Allan Saint-Maximin, à la croisée des chemins
France-Football, le 01/02/2019 à 14h52
Pour sa deuxième saison avec les Aiglons, Allan Saint-Maximin enchaîne les bonnes performances sous les ordres de Patrick Vieira, jusqu'à poser la question de son avenir.
Le football dans le sang
Si tout vient à point à qui sait attendre, il y en a certains qui ont beaucoup attendu, ou qui attendent encore. Il y a ceux qui explosent en vol. Et puis, enfin, il y a les autres, ceux qui ont su saisir leur chance et qui ont depuis décollé. Toutes ces catégories concentrent des joueurs à l'appellation désormais connue. Ce sont les fameux cracks, ces joueurs bourrés de talent mais qui n'ont pas toujours la carrière escomptée. Allan Saint-Maximin en est assurément un. Depuis ses débuts, très jeune, dans des clubs successifs de l'Essonne (Verrière le Buisson, l'US Ris Orangis), il a accumulé un certain bagout. «J'ai été étonné dès le début. On avait l'impression que c'était inné, se remémore Didier Demonchy, son coach à l'US Ris Orangis. Un enfant de 5-6 ans, bien souvent, si on le fait courir en marche arrière, il tombe. Allan non, il faisait les gestes qu'il fallait. Il ne faisait déjà rien au hasard. Il avait les notions d'un futur footballeur. J'ai officié 24 ans au club, mais des gamins comme Allan, je n'en ai pas connu beaucoup».
A 14 ans, il rejoint le centre de formation de l'ASSE, puis Monaco, qui voue une fascination pour ces recrues jeunes à fort potentiel. Sur le Rocher, il ne jouera que dix-huit minutes en tout et pour tout, et sera prêté à Hanovre puis à Bastia. C'est là qu'il prend son véritablement son envol, malgré un contexte difficile pour le club. A 21 ans, le virevoltant ailier a déjà connu divers coaches, dont Lucien Favre, qui a fait des merveilles avec Nice lors de la saison 2016-2017, terminant à la troisième marche du podium. Le natif de Chatenay-Malabry débarque à ce moment-là et les Aiglons vont connaître une saison suivante beaucoup plus brinquebalante. Saint-Maximin prend part à trente rencontres de Ligue 1, dont vingt-six fois comme titulaire. «Il a un gros potentiel, ce qui veut dire qu'il a encore des choses à améliorer, ce qui est logique [à son âge]», lâchait l'entraîneur suisse lors de la présentation du joueur.
Avec Vieira, une utilisation nouvelle
Ces progrès ont eu peut-être du mal à ressortir au grand jour sous Favre. Avec ce dernier, le joueur jouait (très) souvent sur le côté droit. Cette saison, que ce soit dans un système en 3-4-3, en 3-5-2 ou en 4-3-3, Saint-Maximin touche plus de ballons en moyenne, et découvre de nouveaux rôles. Dans un schéma avec trois centraux, il a souvent été aligné avec une autre pointe (Balotelli, Maolida), tandis qu'il est surtout à gauche dans le 4-3-3 de Vieira, lui permettant de pouvoir repiquer sur son bon pied, de provoquer et percuter, mais aussi de s'ouvrir le chemin du but pour frapper. D'un point de vue comptable, ses chiffres sont en amélioration : 4.4 dribbles par match (contre 3.6 la saison passée), 2.4 tirs par match (contre 1.3). Il a aussi tenté plus de tirs (47 contre 39, alors que nous ne sommes qu'à mi-saison), mais avec un pourcentage de tirs cadrés moindre (32% contre 41%). Avec cinq buts cette année, il a déjà battu son meilleur total sur une saison. Son jeu serait-il en train d'évoluer, de passeur à buteur ? Son repositionnement dans l'axe, la place plus proche du but adverse, lui permet de se procurer plus de situations, mais témoigne aussi d'une volonté d'être au service de l'équipe peu importe où elle en aurait besoin. «Cela donne de la polyvalence à son jeu et enrichie sa palette, avance Sylvain Ripoll, l'entraîneur des Espoirs. Jouer devant lui permet de voir comment les attaquants évoluent et comment ils aiment recevoir le ballon, donc comme ça, quand il est sur le côté, il a une expérience supplémentaire».
Mais dans cette position, la finition est un point qu'il a encore à améliorer. Indéniablement, il peut et doit faire mieux. Les premiers signes sont encourageants. Ripoll souligne un autre aspect. «Plus que l'efficacité individuelle devant le but, il y a aussi la qualité de sa dernière passe, de son dernier geste qu'il peut améliorer. Mais il en est conscient, il n'a aucune difficulté à analyser et reconnaitre les choses, confie-t-il. Il n'a aucun mal à se dire qu'il s'est trompé, il ne se fourvoie pas dans l'analyse. C'est la première base pour progresser, avoir une bonne interprétation des choses ». Une volonté de dépasser les limites qui retranscrit un fort caractère chez Saint-Maximin et ce, dès le plus jeune âge. Aussi, de son héritage familial, avec son père et son frère qui jouaient aussi, le foot est dans ses gênes. «Il faut se rendre compte qu'à son très jeune âge, il donnait déjà des consignes à ses copains, s'enthousiasme Didier Demonchy. Il disait : il faut que tu te replaces, tu me donnes mal le ballon, tu me fais courir trop. Il demandait à ses potes d'avancer ou de reculer parce qu'ils étaient mal placés. Je me disais wow...».
Une grande marge de progression
De plus, le succès d'un profil comme le sien passe par la confiance. Et celle-ci semble être totale avec son entraîneur, Patrick Vieira. «En réalité, tous les joueurs ont besoin de confiance. Quand il y a une part de doute, la créativité diminue, mais Allan ne doute pas, il a foi en son potentiel», avance Sylvain Ripoll. Pour son entraîneur, des axes de progression pour être encore meilleur existent. «Il faut qu'il trouve une forme de variété, pour être plus imprévisible, alterner entre ses qualités de dribble naturelles mais aussi la simplicité dans le jeu collectif quand c'est nécessaire». Dans la lignée de ce que Favre disait de lui, le champion du monde 1998 expliquait en septembre que Saint-Maximin était «un joueur rare qui sait qu'il doit travailler», comme le relatait la LFP. Et puis il insistait sur l'adaptation au contexte du jeu sur le terrain. «Il comprend de mieux en mieux, notamment quand il faut jouer seul et quand il faut le faire avec ses coéquipiers». Le joueur répondait alors qu'avec Vieira «c'était comme avec ses parents, il ne faut pas les décevoir. Il trouve toujours les bons mots, surtout avec moi». Contre Rennes, il était par ailleurs allé célébrer son but avec son entraîneur. Et alors qu'on a parfois vu un joueur grincheux, mécontent de sortir, qui, par exemple, jetait ses gants, Didier Demonchy n'est pas étonné. «Quand je le sortais il avait toujours un signe de mécontentement, raconte-t-il. C'est Allan, il est comme ça. Pour lui, il n'a pas accompli ce qu'il voulait, donc il râle».
Au niveau international, il est souvent cité parmi les prochains Espoirs susceptibles de faire la navette vers l'équipe A. Il a débuté sous les ordres de Sylvain Ripoll en 2017, mais ce n'est que plusieurs mois plus tard, lors des rassemblements d'octobre et novembre 2018, qu'il est réapparu dans le groupe. «Il a acquis une forme de régularité dans ses prestations, ce qui le rend plus performant», analyse le sélectionneur des Espoirs. Il reste quatre mois au joueur pour continuer sur sa lancée et aider l'OGC Nice à accrocher l'Europe. Mais à dix-huit mois de la fin de son contrat, et alors qu'il s'épanouie pleinement sur la Riviera, jusqu'où peut-il aller ? L'aventure en Allemagne n'a pas été une franche réussite, mais si l'opportunité se présentait de nouveau, le joueur pourrait tout de même avoir des aspirations à l'étranger. Voilà une autre étape qui se précise pour l'ancien joueur de l'ASSE, et peut-être un autre palier, une nouvelle marche à franchir. «Ce qui est aussi intéressant avec lui, c'est qu'il peut faire encore beaucoup de progrès, conclut Ripoll. Ce qui est embêtant, c'est quand un joueur ne peut plus progresser, ce qui est loin d'être son cas». «On n'a encore rien vu d'Allan», lâche Didier Demonchy. Le voilà à la croisée des chemins.
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