Presse :
De l'amer à la lune
L'Equipe, le 30/06/2019 à 08h44
Alors que ses supporters se plaignaient du peu d’ambition des actuels propriétaires, le rachat de Nice par Jim Ratcliffe est censé faire basculer le club dans une autre dimension.
Pliée d’emblée pour le titre, marquée par les errances de Marseille et le naufrage de Monaco, traditionnels candidats au podium qui sont censés incarner des valeurs sûres, la saison écoulée s’est trop rarement imposée comme une belle publicité pour la L 1, qui sait pourtant se vendre très cher. Le pactole des nouveaux droits télé s’élèvera à 1,553 milliard d’euros par an jusqu’en 2024 et il va tomber dès 2020 en promettant des lendemains meilleurs.
Ce n’est pas une garantie de rebond des résultats sportifs à l’échelle européenne car il faudra savoir exploiter cette manne, mais elle peut agir comme un aimant sur les fonds d’investissement. Lille en 2017 et Bordeaux en 2018 ont déjà changé de mains pour développer une politique basée sur le trading joueurs, qui a montré ses limites la saison dernière à Monaco. Le rachat du FC Nantes était d’ailleurs envisagé avec une grande méfiance par les supporters, avant que ce projet mené par un autre fonds d’investissement ne capote en début de semaine.
Le climat est bien différent à Nice, où la vente du club est ardemment souhaitée par les tribunes depuis plusieurs mois. Les banderoles ont fleuri au mois d’avril pour souhaiter le départ des actionnaires sino-américains, qui ont aussi basé leur modèle sur le développement de jeunes talents, susceptibles d’apporter plus tard de substantielles plus-values. Le dernier mercato hivernal conclu sans la moindre recrue, alors qu’un renfort offensif était jugé indispensable, a fini de déprimer les supporters qui voient arriver Jim Ratcliffe (66ans) comme le messie.
On ne lui donnera toutefois pas le bon Dieu sans confession car l’entreprise pétrochimique Ineos, qui a fait de lui l’homme le plus riche du Royaume- Uni, n’est pas de celles qui sont bien vues à l’heure où le réchauffement de la planète devient un sujet incontournable. Mais le sport est justement un bon moyen de faire oublier ces zones d’ombre et le milliardaire britannique pro- Brexit n’a pas attendu de miser quelque 100 M€ sur le Gym pour s’y intéresser.
Un rachat trop tardif pour faire flamber le mercato dès cet été
Il vient d’acquérir la plus grande équipe de cyclisme (Ineos, anciennement Sky), détient déjà un club de foot avec Lausanne- Sport en Suisse, et le fait qu’il pose les pieds à Nice n’a que peu de rapport avec l’attractivité de la L 1, puisqu’il a essayé d’acheter Manchester United et Chelsea avant de trouver enfin une ouverture en France, qui n’a pas l’habitude de voir débarquer de telles fortunes. Frank McCourt avait seulement dû débourser 45 M€ pour s’emparer de l’Olympique de Marseille en 2016 et le projet niçois a de quoi lui faire peur. Ratcliffe n’est pas le Qatar, qui a bouleversé la vie du Paris-Saint-Germain en 2011, mais il se sent assez fort pour se placer juste derrière et il n’arrivera pas au milieu du désert.
Assis sur un budget évalué cette saison à 50 M€, le Gym s’est progressivement structuré au fil des dernières années, il a atteint la troisième place de L 1 en 2017 et dispose d’un centre d’entraînement et d’un stade neufs. Avec ses 35000 places, l’Allianz Riviera sera trop grande tant que le tramway n’en facilitera pas l’accès, fin 2019, mais le maire LR de Nice Christian Estrosi répète qu’il ne veut pas vendre l’enceinte. Ce n’est pas un sujet à court terme pour Ratcliffe qui s’y est déjà intéressé, car sa surface financière lui autorise toutes les ambitions.
La politique sportive de son Gym ne va pas devenir galactique pour autant, et le t i ming de l a vente l’empêchera de frapper fort dès cet été. L’effort majeur sera produit à moyen terme, en 2020, mais les Azuréens devraient pouvoir inquiéter rapidement Lille et Saint- Étienne, tandis que Monaco et Marseille devront vite se redresser pour résister à cette nouvelle concurrence qui redessine le Championnat.
Confronté à une pénurie d’attaquants durant la majeure partie de sa première saison d’entraîneur, Patrick Vieira, qui a tout de même conduit Nice à la septième place, va se retrouver à la tête d’un effectif dont les lacunes seront au moins comblées et c’est un premier passage dans une autre dimension.
Alors que la L1 se demande si elle va perdre Neymar, sa plus grande star, un changement de statut du Gym serait une excellente nouvelle pour tous ceux qui la suivent et qui n’aiment pas s’ennuyer le week-end.
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En millions de livres (soit environ 123M€), la somme que Jim Ratcliffe a investie en 2018 dans la voile au sein de Ineos Team UK. Le défi britannique aura pour objectif de remporter la prochaine édition de la Coupe de l'America, qui se déroulera en 2021 dans la baie d'Auckland, en nouvelle-Zelande
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