L’entraîneur de Nice se déplace aujourd’hui à Monaco, mais c’est à Cannes que s’est tissée sa relation forte avec la région, où il compte ses plus proches amis.
Désertées depuis trop longtemps, les pièces du petit centre de formation de l’AS Cannes sont restées dans leur jus. Les souvenirs jaillissent donc sans peine dans l’esprit de Mickaël Marsiglia, debout devant la cuisine qui s’ouvre sur le réfectoire. «
Je me revois au petit déjeuner avec Pat’, on avait la tête dans le cul après avoir été réveillés par la sonnerie. De 8 heures à 10 heures, on allait en cours. On faisait plutôt acte de présence car on n’attendait qu’une chose, aller s’entraîner, souffle l’actuel directeur technique du club qui stagne en National 3, loin de la réussite des années 1990.
Quand il entrait sur le terrain, Pat’ voulait tout dévorer. Je lui disais toujours qu’il valait mieux qu’il soit bon, parce qu’on ne voyait que lui avec ses grandes jambes. Il a vite monté les marches. »
Aligné en Division 1 par Luis Fernandez à seulement dix-sept ans (*), Vieira ne dispute que deux saisons complètes à Cannes, qui le vend en novembre 1995 à l’AC Milan. Né à Dakar, passé à Trappes, Dreux et Tours avant de filer rapidement en Italie, le milieu défensif ne va toutefois jamais oublier ses années azuréennes et ceux qu’il a fréquentés.
Sur la Côte il restera toujours à la maison. «
Je l’ai vu arriver et je l’ai vu partir. Entre temps, j’ai côtoyé un garçon extraordinaire, très posé, qui savait ce qu’il voulait. Il débarquait de Tours, qui venait de déposer le bilan, on en avait profité pour le recruter, se rappelle Gilbert Chamonal, dirigeant historique de l’AS Cannes désormais à la retraite.
Il gagne la Coupe Gambardella avec nous en 1995. Trois ans plus tard il est champion du monde. Il a fait vite ! Il m’avait ensuite aidé pour mon association, qui soutient les enfants handicapés. Quand il s’est engagé à Nice, je lui ai envoyé un message pour le féliciter. Il m’a répondu que s’il y avait quelque chose à faire pour l’association il était prêt. Il n’a pas changé. »
Ses amis n’ont pas changé non plus, et son arrivée sur le banc niçois, en juin 2018, l’a rapproché encore plus d’eux. Après avoir partagé son parcours de joueur entre l’Angleterre et l’Italie, il est allé jusqu’à New York pour lancer sa carrière d’entraîneur numéro 1 (2016-2018). Il revenait souvent, n’a pas perdu le contact, mais en signant à Nice il a retrouvé au quotidien ce qu’il préfère en France. «
Je suis vraiment content d’être rentré. J’ai adoré mes expériences à l’étranger, mais je suis heureux d’être là, dans une région que je connais bien. J’ai pas mal de copains que je revois, nous confiait-il la saison dernière.
On mange super bien ici, j’adore passer trois heures à table avec les amis parce que c’est complètement français. »
Il s’autorise une session de golf par semaine afin d’évacuer la pression inhérente à son métier.
Bon vivant, ce qui permet à Marsiglia de le chambrer sur sa silhouette, Vieira aime les restaurants, et ils y mangent régulièrement ensemble, avec leurs femmes. Les deux amis se sont aussi impliqués dans un projet de standing, le Park, à Mougins. Propriétaire des lieux, l’entraîneur s’est associé depuis 2009 au traiteur Lenôtre, qui exploite le domaine utilisé notamment pour les mariages. Quand il vivait encore à l’étranger, il y posait ses valises le temps d’une escapade, mais il habite maintenant une maison également située à Mougins. De là-bas il est idéalement placé pour se ressourcer à Cannes, toujours auprès de vieux amis.
«
On se connaît depuis une vingtaine d’années. Au premier contact il en impose beaucoup par sa prestance, car tu ne connais que le joueur dur sur le terrain. Mais il est en décalage avec cette image. C’est un mec hyper simple, accessible, humble, qui fonctionne à l’affect, raconte Jean-Stéphane Camerini, propriétaire du Golf Old Course, à Cannes-Mandelieu.
On a mis un peu de temps pour se lier d’amitié. On s’est rencontrés grâce au golf, il est venu sur un événement et ça lui a plu. Après on s’est revus, on avait des amis en commun puisque mon père (Francis Camerini)
a joué au Gym (1971-1976).
Les anciens ont fait le pont entre nous. Sur la Côte d’Azur tout va trop vite, les amitiés sont assez superficielles et les mecs te passent tout de suite la main dans le dos. Dans le foot c’est un peu la même chose. Mais là j’ai rencontré un bon mec, qui prend le temps de l’observation, met du temps à donner son amitié. Mais elle est solide. »
« C'est bien pour lui de revenir aux sources. Il a ses amis avec qui il a toujours gardé contact » : Alain Boghossian, champion du Monde 1998
Accaparé par son travail d’entraîneur, Vieira pousse quand même une fois par semaine les belles portes du golf en bord de mer. Il n’a pas le temps de jouer dix-huit trous, mais il vient surtout parler d’autre chose que de foot. «
Il se débrouille bien car il est doué un peu en tout. Il a surtout besoin de sortir de son métier. La pression est terrible car il le vit intensément. Il intériorise, ne laisse pas transparaître ses émotions, mais il est beaucoup plus stressé comme entraîneur que comme joueur, observe Camerini, qui organise aussi des matches de foot.
C’est tous les mercredis chez moi, ça fait vingt ans que ça dure, avec Olivier Dacourt, Frédéric Déhu, José Cobos… Tous les anciens pros jouent dans la même équipe, ces mecs-là ne veulent pas perdre… »
Vieira est déjà venu s’y mêler, mais il pratique plus fréquemment le padel au côté de son adjoint, Christian Lattanzio, rencontré à Manchester City. «
Je lui ai mis sa rouste la dernière fois, rigole Marsiglia, épanoui dans une région où on peut s’amuser toute l’année en plein air.
Avec le climat, Patrick revit. L’hiver dernier, je ne sortais pas le nez de chez moi quand il pleuvait, mais pour lui c’est comme s’il était toujours en été, après l’Angleterre ! »
La douceur du temps attire d’ailleurs de nombreux anciens footballeurs sur la Côte, et un petit tour dans la voiturette de Camerini permet de croiser deux visages connus en train de ferrailler sur le terrain de golf . Ancien partenaire de Vieira à l’AC Milan, l’Italien Christian Panucci jouait hier avec Alain Boghossian, venu d’Hyères en voisin. «
Je vois plus souvent Patrick que lorsqu’il était à New York, c’est sûr, sourit le champion du monde 1998.
Au golf, il faut qu’il progresse. Il est très occupé et j’ai beaucoup de temps, voilà la différence entre son golf et le mien… C’est bien pour lui de revenir aux sources. Il a ses amis, avec qui il a toujours gardé contact. On discute beaucoup de ballon quand on se voit. Il peut parler de son métier, de la nouvelle génération, c’est toujours enrichissant. »
C’est aussi ce lien sportif qui unit avant tout Vieira et Marsiglia. «
On parle toujours de foot, c’est difficile de parler d’autre chose avec Pat’ car c’est un passionné, reconnaît l’ancien milieu marseillais (1999-2003).
Je suis toujours à l’affût des idées qu’il a. Mari et femme noirs en position 69. Vidéos porno dingues de la vie des échangistes et des femmes libertines. Vidéos xxx quotidiennes. Parfois il m’appelle, il me dit : “Viens demain matin, je vais faire une séance qui va te plaire.” Avant les Niçois venaient nous voir travailler. Maintenant les Cannois vont voir les Niçois… » Si le vieux stade Pierre-de-Coubertin situé dans le quartier de la Bocca est devenu trop petit pour les ambitions de Vieira, son visage reste accroché au mur, dans le tunnel du vestiaire. Entre Cannes et Nice, il ne s’est jamais vraiment éloigné.
(*) Patrick Vieira a disputé son premier match de Division 1 le 20 novembre 1993 à Nantes, sous les couleurs de Cannes (0-0)